Catherine Michaud-Pradeilles

Danse

Les mesures prises à l'occasion de l'Année de la danse commencent à porter leurs fruits (éd. 1989). Chiffres à l'appui (presque cent millions de francs de budget ; plus de 258 000 spectateurs au palais Garnier), l'année 1990 lui a encore permis de renforcer son image de marque. La nouvelle politique de l'enseignement a été mise en place ; les nouvelles formules d'implantation des compagnies se sont révélées efficaces pour retenir les créateurs et sensibiliser le public, et la première saison du palais Garnier entièrement consacrée à la danse a été un succès, avec une programmation fondée sur les reprises des « classiques ».

Renaissance et reconnaissance

À l'exception de la IVe biennale de Lyon, qui retraçait l'histoire de la danse américaine, les manifestations officielles ont largement permis aux chorégraphes français de s'exprimer. Ceux-ci ont manifesté leur volonté de revenir à une danse narrative, voire pittoresque, parfois mêlée à des éléments appartenant au domaine de l'audiovisuel, à une danse recherchant ouvertement ses racines, reconnaissant ses sources classiques et renouant des liens poétiques avec la musique ; en bref, à une danse qui se voulait rassurante.

Lyon a donc rendu hommage aux fondatrices de la modern dance (Loie Fuller, Isadora Duncan, Ruth Denis, Doris Humphrey, Martha Graham), non sans rappeler à quel point la jeune danse américaine s'européanisait. Patrick Dupond, nommé directeur de la Danse à l'Opéra de Paris en février, a mis au point une programmation qui, tout en reconnaissant l'immensité de l'héritage légué par Marius Petipa et Serge Lifar, a donné la place qu'il méritait à Roland Petit et a rappelé tout ce que la danse du xxe siècle avait puisé dans Nijinski ou Balanchine.

Cette évocation fut décidément au cœur de la création contemporaine, qui n'a pas cherché à cacher ses références ou ses attaches avec la poésie, le cinéma, la photo et enfin... avec la musique des sons ou du verbe. Incontournable, Maurice Béjart a présenté sa lecture chorégraphique de la Tétralogie de Wagner (Ring um den Ring). Roland Petit s'est également lancé dans le récit avec un conte inspiré de Cazotte (le Diable amoureux). Toujours dans le domaine de la fresque, Jean-Claude Gallota, avec les Mystères de Subal, n'a pas caché à quel point il s'était investi dans le cinéma. Carolyn Carlson a également renoué avec la création visuelle en intégrant un film à Steppe.

Karine Saporta appartient aussi à cette catégorie de danseurs qui tirent les leçons de leurs explosions artistiques, notamment dans le domaine de la photo, et l'a prouvé dans la Poudre des anges. William Forsythe, quant à lui, a fait appel à l'univers de Jérôme Bosch et à celui de la bande dessinée pour créer des images très fortes dans Slingerland. Reinhild Hoffmann a fait de Könige und Königinnen un miroir cruel des vanités humaines. De Manon Lescaut, Kenneth Mac Millan a brossé un portrait théâtralisé mais très lisible. Bertrand d'At est allé jusqu'à la pantomime dans un Roméo et Juliette transposé en URSS entre 1917 et 1920, et Joseph Nadj a transformé ses danseurs en marionnettes pour raconter l'histoire d'un empereur mongol dans la Mort de l'Empereur.

Ce retour à la danse est passé par un nouvel attachement à la musique. C'est ainsi que 1990 a permis d'inoubliables rencontres (Carolyn Carlson et Michel Portal, Mathilde Monnier et Joëlle Léandre) résumant l'essentiel de l'art chorégraphique quand il a pour axe la musique ou la poésie. Dominique Bagouet a dansé sur la musique du verbe d'un texte d'Emmanuel Bove dit par Nelly Borgeaud dans Meublé sommairement, et Alice à travers le miroir de Lewis Carroll a inspiré Régine Chopinot.

Catherine Michaud-Pradeilles

Variétés

La mode n'est plus aux jeunes loups, mais aux jolis cœurs. Propres, sages, plus minets que mâles, Roch Voisine et Patrick Bruel ont vu leur popularité prendre cette année une ampleur proche de l'hystérie collective. Cet envoûtement de la gent féminine est certainement dû plus à leur pouvoir de séduction qu'à leur originalité créative.

L'année des absents

Côté féminin, le dernier tiers des années 80 a vu l'apparition d'une vague de chanteuses dont certaines sont déjà portées disparues alors que d'autres ont transformé l'essai. L'éclosion la plus spectaculaire fut celle de Patricia Kaas. Avec sa beauté maladroite de jeune pouliche enthousiaste, Mlle Kaas perd, à chaque apparition télévisée, un peu de l'authenticité qu'elle avait, tout en ravissant le cœur de la France profonde. Avec sa voix surtypée – une voix qu'il faudrait être sourd pour ne pas reconnaître –, elle remplit désormais la place abandonnée par notre Mireille nationale, rides obligent. En revanche, la Lolita tant décriée, Vanessa Paradis, mûrit beaucoup mieux qu'on ne pouvait le supposer. Peut-être a-t-elle un réel talent ! Du côté de la « pop » française, les Rita Mitsouko ont continué à décevoir depuis leur troisième album, mais Niagara s'avère tout le contraire d'un feu de paille.