Bernard Pivot, l'homme qui, à sa manière, orchestra pendant 15 ans la vie de l'édition et des lettres, a animé en juin sa dernière « Apostrophes », et a livré ensuite quelques-uns de ses secrets (le Métier de lire, Gallimard).

L'Académie française a accueilli Jean-Denis Bredin, Michel Serres, José Cabanis et Hélène Carrère d'Encausse, tandis que mourait l'écrivain et ethnologue Michel Leiris.

Françoise Devillers

Théâtre

Aujourd'hui, 7 % seulement des Français vont au théâtre au moins une fois par an, contre 12 % en 1980, mais cette pénurie de spectateurs n'a pas empêché un grand nombre d'auteurs contemporains de se manifester cette année.

Parmi ceux-ci, Romain Weingarten a proposé l'Été, une histoire d'amours enfantines montée par Gildas Bourdet au Théâtre de la Colline. Dans le même lieu, on a pu voir, du Britannique Steven Berkoff, Greek, inspiré du mythe d'Œdipe. La nouvelle pièce d'Israël Horovitz, Quelque part dans cette vie, s'est jouée aux Bouffes-Parisiens, superbement servie par le couple improbable Pierre Dux (†)-Jane Birkin. D'autres couples ont dit les intermittences du cœur : Marie-José Nat et Henri Garcin dans Avec ou sans arbres de Jeanine Worms ; Anouk Aimée et Bruno Cremer dans Love Letters d'A.R. Gurney. Chez les écrivains français, la relève est assurée, notamment par Jean-Noël Fenwick, qui a obtenu le « Molière » du meilleur auteur pour les Palmes de M. Schultz, inspiré de la vie de Pierre et Marie Curie. Autre jeune auteur, Yasmina Reza a vu sa pièce la Traversée de l'hiver couronnée par deux récompenses.

D'un côté, il y a le courage de monter des auteurs d'aujourd'hui ; de l'autre, la prudence de s'en tenir aux classiques. La Tempête de Shakespeare, version Peter Brook, a été jouée aux Bouffes-du-Nord dans un décor de sable. Au TEP, pour Bérénice, incarnée par Nathalie Nell, le décor est d'eau, dans une mise en scène-rituel de Jacques Lassale. Au Théâtre de la Ville, Georges Lavaudant fait de Platonov un théâtre de la cruauté. Autre réussite : la Phèdre de Sénèque, superbement interprétée par Jany Gastaldi.

En 1990, on a également pu assister à des retours inattendus : celui de Brecht, sur fond de crépuscule du communisme. Même la Vie de Galilée, ultime spectacle créé au « Français » par Antoine Vitez avant sa mort, en avril, n'a pas échappé au « style Brecht », solennel et démonstratif. Seul, Maître Puntila et son valet Matti, au Théâtre de Marseille, réussit à rester humain et charnel, grâce au duo Marcel Maréchal-Pierre Arditi. Quant à Molière, il fut un temps où on le dépoussiérait ; aujourd'hui, on l'astique dans des décors stylisés, mais avec des costumes d'époque souvent somptueux, comme dans l'École des femmes, « relue » par Alain Ollivier à la Maison de la culture de Bobigny, ou le Misanthrope de Jacques Weber avec Emmanuelle Béart. D'autres, comme Jean-Pierre Vincent avec les Fourberies de Scapin, ont renoué avec la farce italienne.

Le fantasque Songe d'une nuit d'été a été applaudi dans une âpre carrière de pierres, et l'on repère déjà d'autres futurs magiciens dans la nouvelle génération des metteurs en scène : Joël Jouanneau, notamment, qui a présenté les Enfants Tanner de Robert Walser. Autre jeune espoir, Jean-Michel Vanson a donné au Théâtre du Ranelagh un Hernani d'une poésie et d'une force rares, mêlant les acteurs à d'étranges marionnettes géantes.

Le public accourt toujours pour les têtes d'affiche qui sont, cette année, Jean-Paul Belmondo, dans Cyrano de Bergerac, monté par Robert Hossein ; Jean-Pierre Marielle et Nicole Garcia dans Partage de midi, de Claudel, Anny Duperey et Bernard Giraudeau dans deux pièces de Jules Renard à la Comédie des Champs-Élysées. Mais la plus époustouflante performance d'acteur fut sans doute celle de Jean-Claude Dreyfus dans la Nonna, montée par Jorge Lavelli, au Théâtre de la Colline.

Enfin, il faut noter que le Catalan Lluis Pasqual s'est installé au Théâtre de l'Europe, que Jean-Pierre Vincent a succédé à Patrice Chéreau à la direction du Théâtre des Amandiers de Nanterre, et que la Comédie-Française est dorénavant dirigée par Jacques Lassalle.