La S3R fonctionne depuis le 1er janvier 1986, avec un capital de 28 millions de F. Durant sa première année d'existence, elle a signé neuf contrats d'assurance, portant sur 3 satellites européens, 2 américains et 4 internationaux, dont 8 satellites de télécommunications et un satellite de télédétection, Spot 1, lancé avec succès en février 1986.
Ni Challenger ni le satellite de télécommunications TDRSS-B embarqué dans sa soute n'étaient assurés, et leur désintégration n'a provoqué aucune perte directe pour les assureurs. Mais la suspension des vols habités américains jusqu'en 1988 prive les compagnies spécialisées de la plupart des revenus qu'elles pouvaient escompter en 1986 et en 1987.
La concurrence s'intensifie
Tandis que les Américains voient ainsi leurs lanceurs spatiaux cloués au sol, les Japonais enregistrent, au contraire, avec satisfaction, le 13 août, le succès du premier essai en vol de leur nouvelle fusée H1 en version biétage. Sa mise en service opérationnel est prévue pour 1988. Ultérieurement, les Japonais disposeront d'une fusée H2, capable de placer 2 t en orbite géostationnaire. Ce futur lanceur affichera des performances intermédiaires entre celles d'Ariane 4 et celles d'Ariane 5. Il constituera un redoutable concurrent pour les Américains et les Européens.
La Chine, elle-même, qui a placé en orbite son dix-neuvième satellite en 1986, manifeste à présent sa volonté de ne pas rester à l'écart du marché mondial des lancements, en proposant des tarifs très compétitifs. L'accord conclu en 1986 par les Chinois avec la société américaine Western Union a fait sensation : il prévoit le lancement, avant mars 1988, par une fusée chinoise Longue Marche 3, du satellite de télécommunications Westar 6, récupéré dans l'espace par la navette Discovery après une mauvaise satellisation. De même, les Suédois ont décidé de confier à une fusée chinoise le lancement, en 1988, de leurs deux petits satellites de télécommunications Mailstar, et plusieurs autres pays, dont le Brésil, ont engagé des négociations avec les Chinois pour le lancement des satellites.
Demain : les ouvriers de l'espace
Quel que soit son intérêt, le marché commercial des satellites ne représente qu'un aspect de l'utilisation de l'espace. Certains ont pu se demander, après la catastrophe de Challenger, si les vols spatiaux humains n'étaient pas condamnés. S'il existe effectivement des missions programmables, en particulier les opérations de largage de satellites, où une présence humaine n'est pas nécessaire, pour d'autres, en revanche, l'homme joue un rôle irremplaçable, en raison, notamment, de sa capacité d'observation et d'initiative qui lui permet d'opérer avec le maximum d'efficacité, y compris pour faire face à des situations imprévues : on l'a bien vu, par exemple, en 1984, lors de la réparation en orbite du satellite d'astronomie solaire SMM ou de la récupération dans l'espace des satellites de télécommunications Palapa B2 et Westar 6.
L'astronautique de demain sera marquée par l'utilisation de grandes stations spatiales. Celles-ci serviront à la fois de laboratoire pour la réalisation d'expériences scientifiques ou technologiques en microgravité, de dépôt de stockage de matériel spatial, d'atelier d'assemblage de grandes structures orbitales, de station-service pour l'entretien et la réparation de satellites, et de base de lancement vers l'orbite des satellites géostationnaires ou vers le milieu interplanétaire. Véritables ouvriers du cosmos, les astronautes et les cosmonautes du futur joueront un rôle essentiel dans la construction, la maintenance et l'exploitation de ces stations. Les principales puissances spatiales préparent activement cette échéance. Bénéficiant de l'expérience acquise depuis 1971 avec leur programme de stations Saliout, les Soviétiques seront vraisemblablement les premiers à utiliser un complexe orbital modulaire conçu pour être habité en permanence. Ils ont franchi une nouvelle étape dans cette voie le 20 février 1986, en plaçant en orbite Mir, le premier spécimen d'une station de nouvelle génération. Celle-ci est dotée de six sas d'amarrage permettant, en principe, d'y accoupler simultanément autant de vaisseaux, automatiques ou habités, notamment des modules destinés à des recherches spécialisées (astrophysique, biologie, etc.), qui seront entièrement équipés au sol avant leur lancement. Les Soviétiques ont aussi étrenné, le 21 mai, un nouveau vaisseau de transport spatial, le Soyouz TM, version améliorée du Soyouz T, en usage depuis 1980, capable de manœuvrer autour de la station Mir pour s'y amarrer. Avec ce nouveau matériel, l'URSS peut espérer poursuivre son expérience des vols spatiaux humains de longue durée en conservant la sérieuse avance qu'elle a acquise en ce domaine : à la fin de 1986, rien moins que 14 cosmonautes soviétiques avaient passé plus de 2 500 heures dans l'espace, 3 d'entre eux ayant même franchi le cap des 8 000 heures, tandis qu'aucun astronaute américain n'avait à son actif 2 500 heures en orbite. Le record de séjour, en durées cumulées, s'élève à 374 jours 17 heures 59 minutes pour le cosmonaute Leonid Kizim. Les 60 cosmonautes soviétiques totalisent 102 059 heures dans l'espace, soit une durée moyenne de séjour approchant 71 jours par individu, contre 40 336 heures pour les 121 astronautes américains, représentant, en moyenne, 14 jours seulement par sujet. Selon les responsables soviétiques eux-mêmes, l'URSS devrait disposer, à la fin de 1991, d'un complexe orbital Mir d'environ 100 t, équipé de 4 modules spécialisés et capable d'accueillir en permanence 5 ou 6 cosmonautes.