D'un point de vue purement statistique, il était inéluctable qu'un grave accident survienne un jour ou l'autre à la navette spatiale. Mais ce qui est révoltant, c'est que l'on ait pu établir que la catastrophe de Challenger, loin d'être une fatalité, était imputable à une somme de malfaçons techniques, de négligences humaines et de fautes d'organisation qui auraient pu aisément être évitées. Doit-on pour autant considérer qu'il faut désormais renoncer aux vols humains dans l'espace ? Que l'humanité, avec 14 victimes pour quelque 200 astronautes et cosmonautes envoyés dans l'espace, a déjà payé un trop lourd tribut à l'exploration du cosmos ? Certainement pas. Ce serait oublier les précédents de l'aviation, de l'automobile ou du chemin de fer, et méconnaître les enjeux de l'espace, la plus fabuleuse aventure du xxe siècle.
Le 26 avril, moins de trois mois après la disparition de Challenger, survenait une autre catastrophe technologique majeure : l'incendie d'un réacteur nucléaire à la centrale de Tchernobyl, à 130 kilomètres au nord de Kiev (Ukraine). Celui-ci provoquait l'irradiation de la région environnante et la formation dans l'atmosphère d'un nuage de produits radioactifs qui allait, les jours suivants, dériver lentement au-dessus de l'Europe. Cet accident, le plus grave survenu depuis que l'on utilise l'atome à des fins civiles, a semé l'inquiétude en Europe et donné un regain de faveur aux thèses des adversaires du nucléaire. On sait à présent qu'il a résulté de faiblesses technologiques et d'erreurs humaines cumulées, mais le retard avec lequel l'URSS a informé la communauté internationale de son déroulement et les divergences dans l'appréciation des risques de contamination radioactive qui se sont manifestées d'un pays à un autre ont inutilement contribué à nourrir l'inquiétude des populations. Il faut espérer que, dans les divers pays disposant d'installations nucléaires, même considérées comme très sûres, on saura tirer les leçons de la catastrophe, notamment par la prise de mesures de prévention redoublées et diversifiées. Une question essentielle reste cependant posée : quelles conséquences les rayonnements ionisants issus du réacteur sinistré auront-elles à long terme pour les êtres vivants, en particulier pour les habitants de l'Ukraine et de la Biélorussie qui vivent à proximité de la centrale ?
À l'automne, la technologie a été à nouveau mise en accusation avec la pollution catastrophique du Rhin engendrée par une série d'accidents survenus dans des usines chimiques. La première alerte a été déclenchée le 31 octobre par une fuite de désherbant à l'usine bâloise de la firme pharmaceutique Ciba-Geigy. Le lendemain, un incendie ravageait les entrepôts des laboratoires Sandoz à Muttenz, dans la banlieue de Bâle, provoquant la combustion et l'explosion de plus de 800 t de produits bruts agrochimiques et la formation d'un nuage de mercaptan au-dessus de la frontière franco-suisse. Pire, les eaux utilisées pour éteindre l'incendie ruisselaient dans le Rhin, entraînant le déversement dans le fleuve de 1 000 t de pesticides et d'insecticides organophosphorés. La vague toxique de boue rougeâtre ainsi formée progressait ensuite lentement, déclenchant sur son passage une véritable catastrophe écologique, illustrée notamment par l'empoisonnement de plus de 150 000 anguilles. Le 7 novembre, un nouvel incident provoquait le rejet dans le fleuve de 2 000 litres d'eau contaminée par du mercure. Puis, le 3 décembre, on apprenait la fuite accidentelle de 5 000 litres d'une émulsion laiteuse de polychlorure de vinyle et de latex en provenance d'une usine du groupe Lonza, à Waldshut, à 60 km en amont de Bâle.
L'humanité en danger ?
Les activités humaines peuvent induire aussi des modifications de l'environnement qui, pour être moins spectaculaires, n'en sont pas moins susceptibles d'avoir à long terme des conséquences encore plus dramatiques. Les Journées de l'environnement organisées par le CNRS à Paris, fin octobre, ont été l'occasion de rappeler que le taux de gaz carbonique dans l'atmosphère ne cesse de croître depuis le début de l'ère industrielle : il est passé en un siècle de 275 à 345 parties par million (ppm) et l'on estime qu'il atteindra 600 ppm vers l'an 2050. Les conséquences de ce phénomène pourraient être, à terme, un réchauffement global de la Terre par effet de serre, la fonte des glaces polaires, un bouleversement des échanges d'énergie entre l'océan et l'atmosphère, donc du climat, l'élévation de plusieurs dizaines de mètres du niveau général des mers et l'engloutissement d'une partie des terres émergées. Non moins dramatique pourrait devenir, si elle perdure, la diminution régulière de la couche d'ozone au-dessus du pôle Sud, mise en évidence depuis 1979 par des mesures effectuées au sol, dans l'Antarctique, et confirmées par les observations du satellite américain Nimbus 7. Cette diminution régulière se double même d'une déchirure saisonnière, en octobre, particulièrement préoccupante. Les causes du phénomène restent encore mal élucidées, mais l'on sait depuis quelques années que les émissions de chlorofluorocarbones, largement employés, notamment pour la réfrigération et le conditionnement d'air, le nettoyage à sec et dans l'industrie cosmétique comme gaz propulseurs pour les bombes aérosol, contribuent à détruire la couche d'ozone atmosphérique. Or, cette dernière joue un rôle fondamental pour le maintien de la vie sur la Terre, en protégeant notre planète des rayonnements solaires ultraviolets nocifs.