Dans ses efforts, le CNPF est soutenu par les organisations patronales qui lui sont proches. Mais il doit compter avec les pressions qu'exercent, d'une part, la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME), plutôt ancrée dans le commerce et l'artisanat et, d'autre part, le Syndicat national du patronat moderne et indépendant (SNPMI), dont l'action du président, Gérard Deuil, un moment contesté au sein de son mouvement, continue d'être soutenue par les entreprises de petite et de moyenne industrie.

Du côté des syndicats, le CNPF se préoccupe de maîtriser l'évolution des salaires, menacée par les dépassements du secteur public et nationalisé. Décidé à limiter à 8 % la hausse des salaires en 1983, Yvon Gattaz souligne que la politique gouvernementale offre « une chance de ralentir la progression des salaires ». Cette volonté de limiter le pouvoir d'achat et d'obtenir l'abrogation des lois Auroux, jugées dangereuses, rend difficiles le dialogue social et la négociation avec les centrales syndicales.

Divergences

Tant sur les salaires que sur l'assurance chômage, la question est pour les syndicats de savoir jusqu'où ils peuvent lâcher du lest sans perdre la face vis-à-vis de leurs adhérents. Le moins qu'on puisse dire est qu'ils n'affrontent pas cette situation dans un climat d'unité. Le 1er mai à Paris, Henri Krasucki, Edmond Maire et Jacques Pommatau (FEN) ont défilé côte à côte, mais cette unité d'un jour n'a pas fait illusion : plus que jamais les démarches de la CGT et de la CFDT sont opposées. Dans le cadre de la Confédération européenne des syndicats, André Bergeron et Edmond Maire ont été reçus ensemble par François Mitterrand le 11 janvier puis ont participé le 4 juin à Stuttgart à une même manifestation sur l'emploi. Mais aucun rapprochement ne s'est dessiné, FO ayant de nouveau refusé une rencontre officielle avec la CFDT. Parallèlement, les trois syndicats réformistes ont agi en ordre dispersé et n'ont pris aucune initiative visant à se rapprocher les uns des autres. La nouvelle compétition électorale pour la Sécurité sociale a plutôt incité chacun à marquer ses différences, la CGC cherchant à bien se démarquer de la CFDT et surtout de la CGT accusée de vouloir « soviétiser » les entreprises.

L'unité interne de chaque confédération a été parfois malmenée. Henri Krasucki n'est pas confronté à une réelle montée de la contestation de ses opposants mais à un certain désarroi militant s'ajoutant à une érosion continue des effectifs. À la CFDT, un certain malaise est perceptible, une opposition cherchant à se structurer, mais sans appui de fédération ou de région. À FO, A. Bergeron doit gérer une organisation où cohabitent tant bien que mal trotskystes et chiraquiens, socialistes et anarcho-syndicalistes : un exercice difficile alors que se profile — pour l'après 1984, sans doute en 1985 ou en 1987 — sa succession. La CFTC a dû faire le ménage en excluant sa fédération du bâtiment. À la CGC, le maintien de l'unité est conditionné par la canalisation ou les débordements de la politisation. Secoués par la crise, les syndicats doivent faire face à leurs propres difficultés. Malgré les élections à la Sécurité sociale, le militantisme syndical n'est pas encore sorti du tunnel.

Michel Noblecourt

Emploi

La montée du chômage

À première vue, la France résiste bien à la montée, qui paraît irrésistible, du chômage. En données brutes, le nombre de demandeurs d'emplois en fin de mois est passé de 2 130 000 en janvier 1983 à 2 165 000 en octobre 1983 : on est ainsi passé d'un rythme annuel d'augmentation de + 4,7 % à – 0,50 %. Par rapport à la population active, le taux de chômage en France — 8,50 % en août 1983 — est légèrement supérieur à celui de l'Allemagne fédérale (8,10 %) où cependant le chômage a davantage augmenté en un an, mais inférieur à ceux de l'Italie (11,6 %), des Pays-Bas (14,8 %), du Royaume-Uni (11,6 %) et de l'Irlande. Au sein de l'Europe, la France se tient donc plutôt bien : comme aux États-Unis, le chômage semble marquer le pas. En France, si l'on observe l'évolution en données corrigées des variations saisonnières, le nombre de demandeurs d'emplois en fin de mois a baissé jusqu'en avril (2 004 100), pour remonter à partir de mai (2 029 200), fléchir légèrement en juillet et regrimper faiblement en août ; en octobre, en données corrigées il était de 2 034 600. Avec une telle décélération, Pierre Mauroy peut se satisfaire d'avoir stabilisé le chômage autour de la « ligne de crête » des 2 millions de demandeurs d'emplois. Mais un tel résultat est d'une extrême fragilité pour ne pas dire précarité. Au mois d'août, la CGT se plaignait qu'à ce moment-là « 2 000 emplois [étaient] supprimés chaque jour ». Le rythme des suppressions d'emplois dans les secteurs industriels en pleine restructuration est tel que, la baisse de l'activité amplifiant l'effet dépressif sur l'emploi, l'OCDE ne manifeste sans doute pas un pessimisme exacerbé en prévoyant que le chômage pourrait atteindre 10,2 % de la population active au second semestre 1984.