La meilleure preuve en est que les élections municipales du 8 mai ratifient le succès socialiste des législatives du 9 octobre précédent : avec 43 % des suffrages (46 % en octobre) le PSOE domine la vie politique espagnole. L'Alliance populaire (droite) ne gagne pas tout à fait un point (26 % contre 25,3 %), tandis que le PCE double presque le nombre de ses voix en six mois (7,9 % contre 3,9 %).

Au même moment, les dirigeants du Fonds monétaire international décernent un satisfecit à la politique économique du gouvernement socialiste, tout en le mettant en garde contre des augmentations salariales exagérées dans le secteur public. C'est précisément dans le secteur public, forteresse des vieilles féodalités franquistes, auquel le PSOE avait juré de s'attaquer, qu'il rencontre la résistance la plus sérieuse. Ainsi l'installation d'horloges pointeuses dans les ministères soulève-t-elle l'indignation des hauts fonctionnaires, qui, dès le 15 février, déclenchent un mouvement de grève.

L'opposition est prompte à saisir tous les prétextes que lui offrent les initiatives du gouvernement. Le projet de libéralisation (très relative) de l'avortement provoque fin juin une violente polémique, menée par Manuel Fraga, président de l'Alliance populaire, et la Conférence épiscopale. En octobre, un projet de loi organique régulatrice de droit à l'éducation fait resurgir le spectre d'une « guerre scolaire ». Il en a été de même pour la réforme de la législation sur la drogue, au cours de l'été. Le déboulonnage d'une statue de Franco, le 10 septembre, à Valence, suscite de violentes bagarres et des protestations.

Terrorisme et rancunes

En dépit de sa prudence et de son habileté, le gouvernement socialiste ne parvient pas à résoudre les deux problèmes politiques sur lesquels ont échoué les deux gouvernements précédents : celui du terrorisme basque et celui de l'armée.

Les Cortes ont voté le 22 février les quatre derniers statuts d'autonomie régionale : ceux des Baléares, de Castille-León, d'Estrémadure et de Madrid. L'Espagne compte désormais 17 communautés autonomes devant disposer chacune d'un organe de gouvernement. Pays basque et Catalogne avaient élu dès 1981 leur parlement et leur gouvernement régional. Mais l'ETA n'a pas pour autant déposé les armes en Euskadi. Tout au long de l'année, les attentats se succèdent : assassinats, bombes, enlèvements contre rançon — en dépit des avances faites par le gouvernement socialiste et des manifestations de masse contre le terrorisme. L'assassinat du capitaine Martin le 18 octobre, près de Bilbao où il avait été enlevé treize jours auparavant, provoque l'indignation générale et de vastes manifestations contre le terrorisme.

Mais le quotidien Egin, proche de l'ETA, écrit : « Pour Euskadi, l'hégémonie de la gauche étatique est pire que celle de la droite réactionnaire. »

Cet irrédentisme sanglant entretient l'inexplicable rancune de certains militaires, nostalgiques du caudillo et qui ne digèrent pas l'échec de l'équipée aux Cortes du colonel Tejero, le 23 février 1981. D'autant moins que, le 28 avril, le tribunal suprême a aggravé les peines des putschistes : 22 des 33 accusés sont condamnés à une sanction plus sévère que celle qui leur avait été infligée en juin 1982 par le tribunal militaire. Pour sa part, le général Armada voit sa peine de 6 ans portée à 30 ans — le maximum.

La grogne des ultras

Déjà, au mois de mai, puis de juin, le gouvernement a dû prendre des sanctions contre des officiers ultras. Mais c'est au cours de l'été que l'irritation des militaires va se manifester. Le prétexte : le drapeau espagnol a été brûlé au Pays basque et remplacé par l'emblème de l'Euskadi. Le 1er septembre, le lieutenant général Rafael Allende Salazar, capitaine général de la région de Madrid, lance un avertissement au gouvernement. Puis le 14 septembre, le général Fernando Soteras, capitaine général de la région de Valladolid, réclame, dans une interview, l'amnistie de ses « compagnons », auteurs du putsch manqué du 23 F, qu'il justifie. F. Gonzalez le destitue immédiatement. Décision courageuse, mais qui ne résout pas le problème.