On se souvient des difficultés rencontrées lorsqu'il s'était agi de fouiller les restes découverts dans le quartier de la Bourse (Journal de l'année 1968), et qui laissaient apparaître des vestiges encore importants de remparts, d'une porte, puis du port antique. Les couches d'envasement devaient y livrer, entre autres, tout le fond d'un grand navire, que les techniques du froid ont permis de préserver. Détail macabre : on devait trouver aussi au fond de ce beau port des restes de tout petits enfants — en fait des nouveau-nés.

La butte des Carmes peut évidemment apporter bien des informations sur la plus ancienne ville de France, telle qu'elle fut à ses débuts : sur ses structures urbaines, ses échanges, la vie même des tout premiers Marseillais.

Recherches de pointe à Saint-Denis

Connue surtout pour sa basilique et ses sépultures royales, la ville de Saint-Denis l'est aussi pour les fouilles systématiques conduites depuis quelques années dans ses quartiers anciens. Ces recherches, actuellement financées à raison d'un tiers par la ville et de deux tiers par l'État, permettent de découvrir l'histoire et la vie quotidienne du bourg qui s'est peu à peu constitué autour de la célèbre abbaye.

Trésors

C'est une archéologie particulièrement difficile. Elle cherche à voir clair dans des sols où restes de constructions et remaniements multiples se mêlent aux détritus de tous les siècles. Mais elle parvient à dégager de vrais trésors — qui n'ont certes rien à voir avec ceux de tombes royales. Le musée, inauguré au printemps 1981 dans l'ancien carmel, et où a été reconstituée la cellule de Louise de France, fille de Louis XV, montre aussi le plus ancien objet tricoté actuellement connu : une sorte de bonnet, ou de coiffe, retrouvé déchiré dans la boue parmi d'autres détritus.

Son dégagement a demandé quatre cents heures de travail, à l'aiguille, à la loupe et à la loupe binoculaire. Comme on le sait, le tricot représente une invention importante, une technique autrement complexe que le tissage. On le croyait l'œuvre de la Renaissance. La stratigraphie de Saint-Denis le démontre médiéval.

Ce n'est qu'un exemple. Dans l'exposition inaugurée en février 1982, l'équipe dirigée par Olivier Meyer montre quelques-uns des résultats obtenus en une seule année. Apparaît toute une sélection d'objets de la vie courante : lames de couteaux, clefs et serrures (objets de fer ayant nécessité un long travail de restauration), os d'animaux travaillés et devenus peignes, poinçons ou passe-lacets ; et un cure-oreilles en bronze. Un fémur de cheval a été retaillé en patin à glace ; un autre, peut-être, en plantoir.

Céramiques

Saint-Denis s'est acquis en huit ans la plus importante collection de céramiques médiévales d'Île de France. Cela va du couvre-feu de plus de 50 cm de diamètre aux petits pots communs employés d'abord pour la cuisine, puis percés de trous pour y brûler l'encens lors des funérailles. Ils ont été trouvés en grand nombre dans les sépultures. Certains contenaient encore du charbon de bois.

La quantité d'inhumations découvertes est peut-être ce qui frappe le plus. Inhumations dans l'église des Trois-Patrons élevée juste au nord de la basilique au XVIe siècle (et détruite après la Révolution), sur l'emplacement de trois églises médiévales construites côte à côte. Inhumations sous ces vestiges mêmes : une nécropole du haut Moyen Âge.

Une autre nécropole, contenant une cinquantaine de squelettes, a été trouvée dans un autre quartier de la ville, lors d'un sauvetage, au printemps 1981. Et, au début de 1982, un autre sauvetage encore montrait, par deux sondages, que pouvaient se trouver là les restes de quelque 500 personnes des temps mérovingiens.

Les structures architecturales elles-mêmes ont livré de nombreuses pierres de réemploi. L'église des Trois-Patrons a fourni ainsi de nombreux chapiteaux dans ses fondations : une sculpture souvent maladroite, intéressante à comparer avec les beaux produits élaborés dans l'atelier de la basilique. Bien des chapiteaux conservent leurs peintures originelles, ce qui, selon les spécialistes, fait d'eux des pièces exceptionnelles.

Le passage de l'âge du bronze à l'âge du fer en Aquitaine

Les fouilles récentes et le réexamen du matériel archéologique trouvé depuis le siècle dernier conduisent à revoir et à préciser l'un des changements culturels les plus importants de la protohistoire européenne, française en particulier : le passage de l'âge du bronze à l'âge du fer.