Automobile

Deux objectifs prioritaires : endiguer la marée japonaise et offrir des voitures plus sobres

Le 67e Salon de l'automobile de Paris (2-12 octobre 1980), avec 1 040 000 visiteurs, égale sensiblement, en 1980, son record d'affluence de 1968. N'ayant plus lieu que tous les deux ans, il retrouve, semble-t-il, son lustre d'antan malgré les aléas de la conjoncture. Mais sa nature s'est profondément transformée.

Grande manifestation populaire, cette fête de l'automobile ne donne lieu qu'à un courant de commandes marginal — quelques centaines — et ne peut pas être valablement reçue comme un indicateur de tendances. L'engouement suscite chez les exposants un courant d'optimisme immédiatement démenti par les faits : le dernier trimestre de 1980 et le premier de 1981 resteront, sans doute, les plus sombres, pour l'automobile, que la France et le monde aient connus depuis très longtemps.

Intérêt

Ce salon, comme celui de Birmingham, de Genève, de Turin, traduit cependant l'intérêt que suscite toujours l'automobile auprès du grand public. Mais il y a un monde entre le rêve et la possibilité d'acquérir. D'ailleurs, le rêve tient, au Salon de Paris, une place sans cesse croissante : la Formule 1 Renault aux côtés de la R 5 turbo domine le stand de la Régie, tandis que sur celui de Citroën, ce sont les modèles GSA et le fameux prototype Karin qui drainent la foule. Alors que les exposants étrangers cherchent à faire connaître leurs nouveaux produits, les Français s'efforcent de retenir l'attention en présentant des voitures qu'on ne peut voir dans la rue.

Le Salon de l'automobile demeure le grand rendez-vous au cours duquel se cristallisent les problèmes du moment et où se dégagent les éventuelles solutions. À cet égard, le 67e Salon de Paris restera marqué par l'émergence de deux idées forces : l'impérieuse nécessité d'économiser l'énergie, d'une part, et de dresser une digue devant l'invasion japonaise, d'autre part.

Un stand complet de 2 000 m2, consacré aux économies d'énergie, trône pour la première fois dans le Salon, dans une zone jusque-là dévolue aux constructeurs étrangers. Installé par l'ensemble des secteurs de l'industrie automobile avec le concours de l'AEE, cet espace de démonstration s'efforce de sensibiliser l'opinion à la nécessité d'économiser le carburant et, également, de faire apparaître les efforts entrepris en la matière.

Pour la première fois, les prototypes Ève (Renault) et Véra (Peugeot) sont présentés au public. Ces modèles probatoires servent de base de réflexion à la conception des voitures de 1985 et consomment seulement 4,5 l aux 100 kilomètres à 90 km/h.

À ce stand, les visiteurs découvrent par ailleurs la panoplie complète des équipements générateurs d'économies, des simulateurs de conduite avec enregistrement de consommation. Deux jeux grand public sont organisés pour sensibiliser l'opinion.

Mais la déception des organisateurs de cette opération est à la mesure de leurs ambitions : le public du Salon de l'auto boude le stand des économies d'énergie, qui reste vide alors que la foule s'agglutine devant les Ferrari, les Lamborghini et autres modèles de grand luxe, et très gourmands. Conclusion : le public ne vient pas au Salon pour écouter sa raison, mais son cœur.

Les économies d'énergie restent néanmoins la préoccupation principale des constructeurs. Un effort important est réalisé par Peugeot, qui offre une 104 à consommation très réduite, ainsi que par Talbot, qui réalise des prouesses sur l'Horizon. British Leyland, qui dévoile sa mini Metro de façon totalement imprévue au cours du Salon de Paris, détient le record — provisoire — de la plus basse consommation avec ce modèle : 4,8 l aux 100 km à 90 km/h. On assiste à la généralisation des économies sur l'ensemble des marques et sur toute l'étendue des gammes : il s'agit de systèmes, plus ou moins élaborés, permettant au conducteur d'être alerté — au moyen de voyants — si sa manière de conduire entraîne une consommation instantanée excessive.

Prise de conscience

Ce 67e Salon de l'automobile est surtout l'occasion d'une prise de conscience brutale et inattendue de l'invasion des modèles japonais et de ses conséquences dommageables pour la production française. Le déchaînement des critiques offre aux Japonais une caisse de résonance considérable, et certains importateurs reconnaissent qu'ils ont bénéficié là d'un gigantesque coup de publicité pour leurs produits.