Journal de l'année Édition 1980 1980Éd. 1980

Quant à Valéry Giscard d'Estaing, sa démarche est transparente. Officiellement, le président ne se mêle pas de politique partisane, laisse faire son Premier ministre au Parlement et n'envisage pas de parler candidature ou second mandat. En pratique, il surveille discrètement l'état de santé et le moral de l'UDF. Il a pu enregistrer avec satisfaction qu'en octobre le parti républicain, pour son 3e congrès à Paris, a obtenu un succès populaire en rassemblant plus de 10 000 personnes. Il a dû observer avec flegme le nouveau président du parti radical, Didier Bariani, proclamer fièrement que sa formation revendique « toute liberté d'expression ». Il a suivi les états d'âme de ses amis au premier trimestre 80 devant les développements de la situation internationale : Simone Veil prend en janvier position pour le boycottage des jeux Olympiques ; le congrès du CDS, en février, manifeste quelque regain d'atlantisme devant les menaces soviétiques ; le congrès de l'UDF à Orléans, en mars, s'inquiète des dissentiments occidentaux et de l'appui de l'Élysée aux droits nationaux des Palestiniens. L'apaisement ne demande pourtant pas d'efforts surhumains.

Affaires et scandales

Plus délicates et ressenties de façon beaucoup plus désagréable par le chef de l'État ont été les affaires qui se sont succédé. Minute a mis en cause le Premier ministre pour un passe-droit supposé dans l'achat d'un terrain à bâtir et la construction d'une maison sur la Côte d'Azur. Raymond Barre s'est sèchement disculpé. Le Canard enchaîné a, plus gravement, mis en cause le président lui-même pour une plaquette de diamants de 30 carats reçue, dit-il, en 1973 de Bokassa, alors président à vie de la république Centrafricaine. Valéry Giscard d'Estaing fait répondre que le cadeau n'a eu « ni ce caractère ni cette valeur ». L'hebdomadaire publie d'autres documents, dont l'Élysée conteste l'authenticité. Le chef de l'État se résout néanmoins le 24 novembre (au cours de l'émission Une heure avec le président) à répéter lui-même en public un démenti qu'il qualifie de « catégorique et méprisant ». Le suicide du ministre du Travail Robert Boulin, impliqué dans une affaire de terrain immobilier, l'assassinat resté mystérieux de l'ancien ministre Joseph Fontanet, les charges, enfin, lancées contre Michel Poniatowski entretiennent un climat délétère. L'ancien ministre d'État est accusé d'avoir, lorsqu'il était ministre de l'Intérieur, été averti, sans réagir, des projets d'assassinat contre le prince de Broglie, député de l'Eure, et d'avoir trahi les secrets de l'instruction, deux imputations qu'il nie rigoureusement. Une commission de l'Assemblée est réunie en avril pour enquêter et savoir si le dossier doit être examiné au fond par une Haute Cour de justice. Tout cela, utilisé sans tendresse par l'opposition et sans charité par le RPR, n'a pu que ternir la réputation du chef de l'État et celle de ses amis. À l'Élysée, on s'en irrite et on s'en offusque.

La réplique de Valéry Giscard d'Estaing se situe sur d'autres plans. À l'intérieur, le président continue de poursuivre son objectif de consensus social. Il se montre donc ouvert au débat avec la CFDT. Il voyage dans le Sud-Ouest à deux reprises et y annonce un plan de développement bénéficiant de moyens importants. Il relance en février le thème gaulliste de la participation et pousse à une politique familiale plus active. Il cherche aussi à incarner la sécurité autant que l'unité. Ainsi soutient-il le projet Peyrefitte Sécurité et libertés, le projet Bonnet sur les étrangers, la réglementation Saunier-Seïté portent sur les restrictions d'inscriptions d'étudiants étrangers ou le report par le garde des Sceaux de la discussion sur la peine de mort. Le président se veut manifestement à la fois libéral et sécurisant, prisant le dialogue social mais acceptant des textes de loi jugés préoccupants par une grande partie du monde judiciaire.

Afrique et Europe

Les circonstances internationales le servent. Les Français, comme tous les peuples, tendent à se serrer derrière leur chef de file en période de tension sérieuse. La France a une politique étrangère active, contestée mais marquante. Valéry Giscard d'Estaing, comme ses prédécesseurs, lui accorde une place dominante dans ses préoccupations. Celles-ci se trouvent correspondre à ses intérêts de futur candidat. Et, durant cette année, les occasions ne manquent pas.