Cette gestion prudente des comptes de l'État, des collectivités locales et de la Sécurité sociale, a pour contrepartie une forte progression des impôts et des cotisations sociales. Au cours d'un conseil des ministres, en mai 1980, le président de la République s'est lui-même inquiété de cette évolution. Pour la première fois, en effet, l'ensemble des prélèvements obligatoires (impôts + cotisations sociales) aura franchi en 1980 le seuil des 40 % de la production nationale. L'évolution sur dix ans, en pourcentage, est impressionnante :

Certes, la France se situe encore loin des pays de l'Europe du Nord, comme les Pays-Bas et la Suède, où le taux des prélèvements obligatoires atteint (et dépasse) 50 % de la production nationale. Mais Valéry Giscard d'Estaing a toujours considéré qu'à ce niveau de « collectivisation de la consommation » une société risquait fort de perdre son caractère libéral.

Restriction

Le financement d'un déficit budgétaire de 30 à 40 milliards de F ne pose aucun problème à l'État, qui trouve facilement les sommes nécessaires. Pour résister à la poussée de l'inflation de la fin 1979 et du début 1980 (le coût de la vie a augmenté de plus de 7 % au premier semestre de 1980), le gouvernement a recouru massivement à des emprunts publics afin de ne pas utiliser la planche à billets. Les restrictions de crédit ont d'ailleurs été resserrées en 1980, notamment pour les crédits au logement. La masse monétaire devait (théoriquement) ne pas augmenter de plus de 11 % en 1980, ce qui risquait de mettre certaines entreprises en difficulté.

Ainsi, R. Barre n'aura rien changé de substantiel à sa politique, considérant que, les effets dépressifs du deuxième choc pétrolier étant inévitables, on ne ferait que des bêtises à vouloir les éviter... Le budget de 1981 devait être présenté avec beaucoup de rigueur malgré la perspective des élections présidentielles en 1981. Sur un seul point, le gouvernement envisageait de soutenir l'économie : R. Barre a annoncé de nouvelles mesures fiscales en faveur des investissements des entreprises.

Ce devait être, aussi, une des orientations fondamentales du VIIIe Plan (1981-1985), dont la préparation a dominé la réflexion sur l'avenir économique de la France. Les travaux des commissions préparatoires ont été marqués par les préoccupations sur l'emploi. Les premiers chiffres sur les perspectives 1985, publiés à la fin de 1979, ont jeté l'alarme : compte tenu des contraintes extérieures qui nous empêcheraient d'avoir une croissance supérieure à 3 %, on pouvait craindre que la France connaisse, en 1985, entre 2 millions et 2,5 millions de chômeurs. V. Giscard d'Estaing avait beau qualifier ces prévisions de fantaisistes, elles impressionnèrent les esprits.

La France traverse, en effet, une période exceptionnelle dans son histoire. Au moment précis où la croissance se ralentit, l'afflux de main-d'œuvre grossit sous le double effet des classes pleines nées dans les années 1950 et 1960, qui arrivent à l'âge de travailler, et des classes creuses, nées pendant la Première Guerre mondiale, qui arrivent à l'âge de la retraite. Ce solde net des emplois à créer, chaque année, évolue, selon l'INSEE, de la façon suivante :

On aura une idée de l'ampleur du problème si l'on se rappelle qu'au début des années 1960 le même solde démographique représentait 20 000 emplois à créer en France, douze fois moins qu'aujourd'hui ! Il fallait, à l'époque, transférer massivement des travailleurs de la terre à l'usine et ouvrir largement les frontières à la main-d'œuvre étrangère pour pouvoir faire face aux besoins de l'économie française en pleine expansion.

L'OCDE a calculé que, pour absorber ce surplus temporaire (car, déjà, en 1985 les besoins d'emplois seront sensiblement moindres), il faudrait que la production nationale augmente chaque année de 4,5 à 6 %, selon les hypothèses que l'on peut faire sur l'évolution de la productivité. Or, de tels taux de croissance paraissent inaccessibles tant que nous n'aurons pas digéré les chocs pétroliers et tant que nous ne serons pas adaptés aux nouvelles caractéristiques de l'économie mondiale et aux nouveaux comportements des individus et des groupes sociaux. Cette phase d'ajustement durera au moins dix ans. Comment maintenir le chômage dans des limites tolérables durant cette période ?

Orientations

Les travaux préparatoires au VIIIe Plan ont permis de préciser les conditions d'une économie plus créatrice d'emplois sans être beaucoup plus créatrice de biens et de services. Ils ont fait apparaître qu'il était possible de créer, entre 1981 et 1985, de 500 000 à 1 million d'emplois supplémentaires, si ces conditions étaient remplies. La première condition serait une modération de la croissance des revenus des particuliers, pour permettre aux entreprises de réaliser davantage de profits, qui leur donneraient les moyens de développer leurs investissements, eux-mêmes créateurs d'emplois selon la célèbre formule d'Helmut Schmidt en Allemagne : « Les profits d'aujourd'hui font les investissements de demain, qui engendrent les emplois. » Cette condition correspond parfaitement aux orientations du barrisme ; il n'y a donc aucune difficulté à la faire accepter par le gouvernement. Il n'en va pas de même des autres conditions.