Armée

Le 6e sous-marin nucléaire en chantier

En décidant de présider, le 7 octobre 1978, à Brest, la traditionnelle présentation au drapeau des élèves officiers de Navale, le Premier ministre, Raymond Barre, donne le ton à ce qui a été l'essentiel des préoccupations du gouvernement français en matière de défense en 1978-1979.

« Le gouvernement est déterminé, précise Raymond Barre, à faire l'effort nécessaire pour la rénovation de la marine. »

De fait, comme l'a souligné, dans son rapport sur le budget militaire pour 1979, René Tomasini, député RPR de l'Eure, la marine nationale va perdre le tiers de ses bâtiments de combat en dix ans. « En 1976, écrit notamment le rapporteur de la commission de la Défense à l'Assemblée, au moment de la rédaction de la loi de programmation, la France disposait de cent quarante bâtiments de combat, sous-marins nucléaires lance-missiles exclus. Il n'en reste plus maintenant que cent trente-deux et, d'ici à 1987, il est prévu que ce chiffre tombe à quatre-vingt-huit, soit une baisse de 33 %. »

Or, la marine nationale, outre sa participation à la dissuasion nucléaire, a d'autres tâches à assumer, que le vieillissement des navires rend de plus en plus difficiles. Les missions de service public — assistance aux pêches, lutte contre la pollution, surveillance des communications maritimes civiles, protection de la zone économique des 200 milles nautiques — représentent 21 % des activités annuelles de la marine, calculées en heures de vol et en jours de navigation, si l'on en croit l'amiral Lannuzel, chef d'état-major.

Le même amiral Lannuzel, lors d'une conférence à l'Institut des hautes études de défense nationale, dont la revue Défense nationale d'octobre 1978 publie le texte, estime que « le déploiement des forces navales soviétiques constitue une menace potentielle sur les approvisionnements de la France ».

Pour apaiser les inquiétudes des marins, le ministre de la Défense, Yvon Bourges, tient à affirmer, lors du débat à l'Assemblée nationale consacré, le 7 novembre 1978, à l'examen du budget militaire pour 1979, qui s'élève à 77 111 millions de F (en augmentation de 14 % sur celui de 1978) : « L'accent est mis, contrairement à une opinion trop largement répandue, sur la marine nationale et, en particulier, sur l'accroissement sensible de l'effort consacré aux constructions de bâtiments modernes et au renouvellement de l'aviation embarquée. »

Ainsi, pour un investissement de 170 millions de F, le Clemenceau a été aménagé pour être prêt, au début de 1979, à recevoir des avions d'attaque Super-Étendard capables de larguer une bombe nucléaire tactique. Il est prévu que le second porte-avions, le Foch, subira la même transformation avant 1980.

Yvon Bourges précise encore que seront en construction en 1979 deux sous-marins nucléaires lance-missiles, trois sous-marins nucléaires d'attaque, six corvettes, six avisos, cinq bâtiments anti-mines et deux pétroliers-ravitailleurs.

Le Premier ministre ayant, toutefois, indiqué que « notre politique militaire reste fondée sur des forces nucléaires suffisantes pour dissuader toute agression » et Valéry Giscard d'Estaing ayant ajouté, de son côté, qu'il entendait « préserver l'indépendance de la dissuasion française », c'est en réalité la décision du gouvernement de construire un sixième sous-marin nucléaire lance-missiles qui a été la plus commentée par les partis politiques au Parlement.

Missile stratégique

Confirmée officiellement le 7 novembre 1978 à l'Assemblée nationale par le ministre de la Défense, cette mesure avait été arrêtée par un Conseil de défense présidé par le président de la République à la fin de septembre.

La mise en service de ce bâtiment, qui aura le même déplacement (9 000 t en plongée) que ses cinq prédécesseurs mais aura reçu des systèmes d'armes et des équipements plus modernes, est prévue pour 1985. Par rapport aux autres unités de la classe le Redoutable, ce sixième sous-marin, baptisé l'Inflexible, sera le premier bâtiment à être doté du missile stratégique M4, qui est un engin de trois étages portant, à environ 4 000 km de distance, jusqu'à sept têtes thermonucléaires sur des cibles différentes.