Matières premières

Les producteurs en quête d'une garantie sérieuse

Les cours des matières premières ont-ils augmenté ou baissé en 1978 ? La question paraît absurde. Les experts ne savent cependant comment y répondre. L'indice américain Moody's, en moyenne annuelle, a progressé de 882 en 1977 à 930, mais l'indice anglais Reuter a régressé de 1576 à 1461. Quant à l'indice français des prix internationaux des matières premières importées par la France, il épouse la courbe anglaise en passant de 342 à 301.

Contradictions

Il est vrai que la liste des matières recensées varie d'un indice à l'autre. La discordance des résultats n'en demeure pas moins la conséquence des mouvements monétaires erratiques qui ont de nouveau secoué l'économie mondiale l'an dernier et faussé les tendances réelles des marchés de matières de base. D'autre part, l'inflation se poursuivant, même le progrès de l'indice américain s'efface en valeur réelle et l'on pourrait conclure que les cours ont baissé parce que l'activité économique mondiale n'a bénéficié que d'une croissance médiocre.

La tendance d'ensemble n'a cependant été terne qu'en apparence. Pour la plupart des matières, l'année a été marquée par des mouvements souvent vifs et contradictoires. En fin de période, les événements d'Iran, puis, en début d'année 1979, ceux du Viêt-nam, allaient provoquer une hausse générale des cours. Le cuivre, par exemple, tombé à quelque 600 livres la tonne en janvier 1978, montait à plus de 750 au printemps sous l'effet des troubles politiques au Zaïre, rechutait aussitôt et frôlait les 800 livres en décembre. Le coton progressait régulièrement, plus fortement en dollars qu'en livres, ce qui permettait aux matières synthétiques d'émerger du marasme où elles se trouvaient depuis plusieurs années. Sans rejoindre certains de ses records précédents (450 livres la tonne en 1976), le zinc débutait l'année à moins de 250 livres la tonne et dépassait 350 livres au cours du 4e trimestre.

D'autres facteurs ont également joué en sens divers. La hausse des taux d'intérêt aux États-Unis a gêné le financement des stocks et la spéculation à terme. Toujours aux États-Unis, le refus du Congrès d'autoriser la réduction des stocks stratégiques d'étain a provoqué une envolée de ce métal à plus de 8 000 livres la tonne. Le jute a bénéficié d'inondations au Bengale. Le caoutchouc s'est avancé sous l'effet d'achats soviétiques. Les métaux liés aux industries de pointe ont manifesté des tendances divergentes : le nickel a souffert de surcapacités de production (mais s'est redressé depuis janvier 1979), tandis que l'offre de cobalt ne parvenait pas à satisfaire la demande et que l'arrêt des exportations soviétiques de platine donnait au métal sud-africain l'occasion de passer de 145 dollars l'once à 350 dollars.

Loi de Lasky

Cette année 1978, au total assez banale pour des marchés accoutumés à la spéculation et aux conséquences hypertrophiées d'incidents souvent mineurs, aura été mise à profit par les principaux États consommateurs et les grandes compagnies exploitantes pour analyser les perspectives à long terme des approvisionnements mondiaux en matières de base. Plus personne ne retient les prévisions assez sombres du rapport américain Paley qui, dans les années 1950, avait le tort de figer les réserves minérales à un niveau de prix supposé immuable : les événements pétroliers de 1973 ont assez démontré qu'un prix-producteur devait s'adapter au coût de production des quantités supplémentaires nécessaires à la satisfaction des besoins mondiaux. Il peut en résulter d'énormes inégalités dans la répartition des rentes minières, mais cet aspect des choses préoccupe peu le consommateur.

On préfère donc, aujourd'hui, se fier à la loi de Lasky, selon laquelle les réserves de matières premières croissent de façon exponentielle quand la teneur des minerais décroît de façon linéaire. La crainte d'une pénurie liée à l'épuisement des réserves s'éloigne ainsi presque indéfiniment, y compris pour les matières énergétiques (les réserves d'uranium s'établissent déjà, à l'horizon 2 025, selon une fourchette largement ouverte de prix), et toute l'attention se porte sur les prix et leur déformation, sur les techniques, physiques et politiques, qui rendront disponibles les nouvelles réserves de matières.