Social
Retour aux accords contractuels dans un climat d'incertitude
Engagée au lendemain des élections législatives de mars 1978, l'ouverture sociale voulue par le gouvernement et favorisée par le recentrage de la CFDT s'est caractérisée, à la fois, par une moisson de promesses déçues et par quelques accords importants. François Ceyrac y a vu une « ère intense de politique contractuelle ». Georges Séguy devait souligner devant le comité confédéral national de la CGT d'avril qu'« il ne s'est rien produit depuis le printemps dernier qui autorise à parler de négociations valables et de politique contractuelle ».
Limites de la négociation
Si l'on reprend les thèmes de concertation suggérés par Raymond Barre dans sa lettre du 27 avril 1978, que constate-t-on ? La concertation entre le ministre du Travail et les partenaires sociaux, trop négligée avant Robert Boulin, est devenue la règle. Elle se manifeste sur l'emploi des jeunes, sur la réforme de l'ANPE, sur la négociation des conventions collectives et sur la réforme des prud'hommes.
L'information des syndicats sur la politique industrielle a certes été amorcée par André Giraud — et par Joël Le Theule, dans la construction navale —, mais il a fallu attendre que la colère s'ajoute au désespoir chez les sidérurgistes pour qu'une négociation, tardive et difficile, s'engage et que le rôle naturel des syndicats soit reconnu. Il y a, cependant, une amorce intéressante de renouveau des bases de dialogue, mais la marge est étroite. Le bilan des négociations patronat-syndicats est également en dents de scie. L'accord important sur l'indemnisation du chômage a certes été un succès de l'ouverture sociale, mais les négociations sur la réduction du temps de travail, d'abord engagées uniquement sur le thème de l'aménagement des horaires, ne se sont ouvertes réellement qu'au printemps et sans perspective d'aboutissement rapide.
Le gouvernement lui-même semble peu désireux qu'un accord particulier à la France intervienne et souhaite manifestement qu'une solution d'ensemble soit apportée à cette question dans le cadre européen.
Sur les bas salaires, sans doute le domaine-test de la réalité de la politique contractuelle, les niveaux de garanties mensuelles minima ont été extrêmement variables suivant les branches professionnelles. Dans de nombreux cas, les revalorisations obtenues ont été supérieures à l'augmentation du taux de salaire horaire, qui, de janvier 1978 à janvier 1979, a été de 12,6 %. Mais, dans d'autres secteurs, les salaires minima ont été simplement portés à un niveau voisin de ce qu'était le SMIC en décembre 1978.
Par ailleurs, force est de reconnaître que le projet du CNPF d'instituer des « garanties annuelles de ressources » n'a guère eu de succès ailleurs que dans la métallurgie. Dans cet important secteur, l'accord du 19 juillet 1978 signé par les cinq organisations syndicales a institué une rémunération annuelle garantie pour 1978-1979 comprenant toutes les sommes versées à un salarié en contrepartie de son travail, à l'exclusion des remboursements de frais, de l'intéressement, de la prime d'ancienneté et des heures supplémentaires.
Cet accord a eu moins d'effet que les partenaires sociaux n'en escomptaient : les accords départementaux signés dans l'année couvrent plus de 44 % des effectifs de la métallurgie, les garanties oscillant de 24 250 F à Nîmes à 30 000 F dans la région parisienne, c'est-à-dire à un niveau sensiblement inférieur à la moyenne réelle des salaires. Dans les autres branches professionnelles, les garanties annuelles ont été souvent écartées par le patronat et par les syndicats, qui jugent les propositions patronales notoirement insuffisantes. Au total, en 1978, 170 accords de revalorisation des bas salaires ont été conclus (77 par FO, 59 par la CGC, 54 par la CFTC, 35 par la CFDT et 27 par la CGT).
Dynamique
Le mérite de l'ouverture sociale est simplement d'avoir esquissé une nouvelle dynamique contractuelle, mais celle-ci n'a pas empêché la situation sociale de se dégrader de nouveau depuis janvier, de se recrisper sous le poids d'un chômage croissant et d'une crise industrielle humainement impitoyable.