Les deux gangsters entrent dans l'appartement. Pendant deux heures, Mesrine, souriant, détendu, bavarde avec J.-C. Marigny. À 9 heures, laissant son complice surveiller Mme Marigny et sa fille, il part avec J.-C. Marigny dans la 504 de ce dernier ; ils vont à la banque. Là, en compagnie du directeur et de deux caissières, ils descendent à la salle des coffres et entassent 450 000 F dans un sac. Puis Mesrine, J.-C. Marigny et le directeur de la banque partent dans la 504. Seules les caissières ont compris qu'il s'agissait d'un hold-up avec prise d'otage.
Mesrine téléphone à son complice resté chez les Marigny qu'il peut quitter les lieux. Lui-même libère ses deux otages devant la gare du Nord.
27 juillet : Paris-Match publie une interview que Mesrine a accordée à Isabelle Pelletier. Il y précise les circonstances de son évasion de la Santé. Ce scoop vaut à la journaliste quelques démêlés avec la justice et son directeur Daniel Filipacchi est inculpé pour apologie du crime.
Quelques semaines plus tard, c'est au tour de Me Christiane Giletti, ancienne avocate de Mesrine, de le rencontrer. Il lui a donné rendez-vous à la gare Saint-Lazare — tout simplement. De cet entretien elle ne dira rien, secret professionnel oblige, mais, peu après, elle quittera le barreau.
Le 12 novembre 1978, on frôle le drame. Vers 19 heures, deux hommes se présentent chez le juge Petit, président de la cour d'assises de Paris. Ils sont masqués et armés. Le juge est absent. Sa femme, sa fille et son gendre sont seuls dans l'appartement. Les deux malfaiteurs entrent et se mettent à fouiller, après avoir déclaré : « Nous voulons que le président Petit intervienne auprès du garde des Sceaux pour faire supprimer les quartiers de haute surveillance dans les prisons ; sinon nous tuerons des magistrats. »
À 20 heures, nouveau coup de sonnette. La fille du juge Petit se précipite. C'est son frère. Elle a le temps de lui murmurer quelques mots et de le repousser. Quelques minutes plus tard, les gangsters, inquiets, vont tenter de fuir, emmenant en otage le gendre du juge. Mais déjà l'immeuble est cerné par la police. Dans la confusion de la fusillade, l'otage se libère. L'un des bandits est maîtrisé. L'autre s'enfuit, non sans avoir crié à un agent : « Tu ne me reconnais pas ? Je suis Mesrine ! »
Lettre ouverte
L'homme arrêté s'appelle Jean-Luc Coupé. Par lui, la police apprendra les adresses de deux planques parisiennes de Mesrine où seront découvertes des traces du séjour du gangster.
Quelques jours plus tard, par l'intermédiaire d'un quotidien parisien, Mesrine adresse au commissaire Devos, chef de la brigade de répression du banditisme, une lettre ouverte où il reprend longuement ses arguments contre les quartiers de haute surveillance.
Peu à peu, les révélations de Jean-Luc Coupé permettent de reconstituer la vie de Mesrine depuis son évasion. Les policiers savent maintenant que, grâce à la chirurgie esthétique, le gangster a complètement changé de visage. On apprend que Mesrine a vécu à Londres et qu'il a eu l'audace d'écrire à son logeur « qu'il enverrait prendre ses vêtements, mais qu'il lui faisait cadeau de la vaisselle ». Enfin, la police identifie la jeune femme qui a partagé la vie du gangster depuis son évasion : Sylvie Jeanjacquot, 28 ans, brune, née à Paris.
Le 3 janvier, Libération publie à son tour une interview de Mesrine. Celui-ci raconte avec complaisance ses derniers exploits et surtout précise qu'il avait eu l'intention d'exécuter le juge Petit, qui l'avait condamné à 20 ans de réclusion. « Ce n'était pas, écrit-il, une simple vengeance, c'était pour foutre un impact terrible. Le destin n'a pas voulu que je fasse cette erreur. »
Début mars, en Belgique, Interpol met la main sur François Besse, complice occasionnel de Mesrine, puisqu'ils avaient quitté la Santé ensemble. Mais il ne semble pas que cette complicité se soit poursuivie entre les deux hommes.
Quelques jours plus tard, un inspecteur de police, Jean-Bernard Vincent, est arrêté à la suite d'un hold-up. Dans certains milieux, on insinue que, lorsqu'il appartenait à la brigade antigang, il aurait tenu Jacques Mesrine au courant des développements de l'enquête ouverte après son évasion, lui permettant ainsi d'éviter facilement les pièges de la police. Ces bruits ont été formellement démentis par le commissaire Broussard qui poursuit ses investigations pour retrouver l'ennemi public numéro un.
Scandales dans les casinos
Au Ruhl, « rien ne va plus ». En, juillet 1978, au casino Ruhl de Nice, la petite phrase traditionnelle résume très bien la situation. 28 personnes viennent d'être inculpées : 15 croupiers, 5 chefs de table et 8 barons. On sait qu'en terme de jeu un baron est un compère. Motif de l'inculpation : vols de plaques, détournements de gains, fraudes diverses, complicité de recel.