Armée
Dissensions sur une nouvelle conception de la défense
Deux débats importants ont occupé le devant de la scène :
– les droits et les libertés des militaires, qui ont opposé, à la fin de 1975, l'opposition de gauche à la majorité, après la décision de certains appelés du 19e régiment du génie à Besançon de constituer une section syndicale ;
– la conception, par Valéry Giscard d'Estaing et le chef d'état-major des armées, le général Guy Méry, d'une nouvelle stratégie de défense, qui a profondément divisé, à la fin de mai et au début de juin 1976, la majorité et, surtout, l'UDR.
À cette occasion, trois anciens ministres gaullistes, Michel Debré, Pierre Messmer et Gaston Palewski, ont dénoncé les atteintes portées à la conception de défense du général de Gaulle et les risques d'une subordination à l'OTAN.
Statuts
Le gouvernement adopte, en juillet 1975, une série de textes codifiant la fonction militaire, c'est-à-dire les statuts des corps d'officiers et de sous-officiers, et des mesures ponctuelles et sociales en faveur du contingent. Le projet de loi, adopté le 17 octobre par l'Assemblée nationale et le 25 novembre 1975 par le Sénat, tend à permettre l'avancement rapide des meilleurs officiers et le rajeunissement, donc, des grades les plus élevés.
L'avancement aux grades de commandant et de colonel est réservé aux capitaines et aux lieutenants-colonels qui ne dépasseront pas un maximum d'ancienneté dans leur grade. Des avancements automatiques auront lieu pour les autres grades, et les officiers du rang accéderont directement au grade de lieutenant.
Les officiers désirant entreprendre une seconde carrière, civile, pourront obtenir, après quinze ans de service, un pécule de départ ou leur mise en disponibilité ; ou, après vingt-cinq ans de service, la pension de retraite au grade supérieur et des congés spéciaux, en tenant compte des nécessités de service au sommet de la hiérarchie.
Pour les sous-officiers, deux solutions sont prévues : une carrière d'officier avec accès par recrutement semi-direct ou par le rang, et une carrière de sous-officier avec un départ possible après quinze ans de service, avec perception de la pension. Une nouvelle loi met en extinction le corps des officiers-techniciens, mais il est créé un corps de sous-officiers majors, qui constitue un grade au-delà du grade, ancien, d'adjudant-chef.
Syndicalisme
Dans le même temps, le gouvernement adopte un nouveau règlement de discipline générale (qui instaure des règles assouplies en dehors du service et une plus large initiative laissée à chacun pendant le service) et une série de mesures sociales en faveur des appelés. Fixée en principe à un an, la durée du service militaire variera, cependant, pour tenir compte de la situation familiale de certains appelés ou, pour d'autres cas, de l'état du marché de l'emploi à la fin des obligations militaires.
Le syndicalisme militaire continue, toutefois, de n'être pas reconnu. Mais, par une série de mesures prudentes et partielles, sont mises en place des structures d'un dialogue encore timide au sein de l'institution militaire : des commissions de participation dans les régiments, des groupes de travail d'officiers et de sous-officiers sur la condition des cadres d'activé, et un nouveau Conseil supérieur de la fonction militaire, à base de volontaires.
Au début de novembre 1975, néanmoins, des appelés du contingent créent, sur l'initiative du mouvement Information pour les droits du soldat et avec l'appui de la section locale CFDT, une section syndicale au 19e régiment du génie stationné à Besançon. Cette initiative, qui sera imitée, quelques semaines plus tard, par des appelés de Chaumont (Haute-Marne) et de Cazaux (Gironde), ne fait pas l'unanimité dans l'opposition.
Pour le ministère de la Défense, cet acte jugé illégal doit être réprimé. Le 26 novembre, après la distribution dans une gare parisienne de tracts socialistes préconisant « des comités de soldats réellement représentatifs », le gouvernement saisit la Cour de sûreté de l'État en vertu de l'article 84 du code pénal et accuse le parti socialiste de mettre en cause les principes de la discipline.