Pour certains architectes, la liberté de l'usager doit être plus grande encore et doit s'exercer sur l'immeuble lui-même et tout autour. En suggérant les moyens de transformer les sinistres grands ensembles de banlieue, où les citadins sont de plus en plus contraints d'habiter, le groupe Arcane et son projet de rénovation inverse ont beaucoup fait parler d'eux. Puisque les grands ensembles sont gris, peignons-les et décorons-les, disent ces architectes. Remplissons les vides avec des plantes, des arbres, y compris le long des murs ou sur les toits. Ce langage séduit et il y a beaucoup à faire pour que les grands ensembles construits à la chaîne depuis la guerre deviennent des lieux de vie acceptables.

Malaise

Cette attitude (d'abord améliorer ce qui existe) peut sembler paradoxale, venant de jeunes architectes. Elle est le signe d'un malaise des créateurs, malgré l'existence de courants de recherches très vifs et de tendances nouvelles assez riches dans leur diversité. Elle témoigne aussi d'un certain réalisme. Si passionnantes que soient les recherches des jeunes architectes et aussi soutenus les efforts de certains pour les traduire sur le terrain, l'expression des tendances nouvelles reste en effet marginale. L'imagination montre le bout de l'oreille ici ou là. Elle n'est pas encore maîtresse du terrain.

Les mécanismes d'aide à la recherche mis en place par l'administration et l'attribution, depuis 1972, de crédits contingentés en faveur de l'innovation ont permis au moins de prouver une chose : l'imagination ne coûte pas plus cher. Des projets bien étudiés qui évitent la banalité et la facilité peuvent parfaitement tenir dans les prix plafonds des HLM. On le sait maintenant.

En période de prospérité économique, sans doute peut-on exiger des constructeurs un effort de qualité. Mais, quand la crise ralentit l'activité, que les chantiers de construction s'arrêtent ou piétinent, que les commandes se font rares, l'innovation est la première victime. La paresse intellectuelle reprend le dessus. Sauf si les futurs acheteurs ou locataires, ceux qui vont habiter les logements, commencent à être exigeants, savent reconnaître la qualité (technique et architecturale) et la réclament.

L'architecture en question

La réforme de l'architecture est un chantier qui n'a pas de fin. Depuis 1973, où le Sénat avait examiné un projet de loi, plusieurs textes ont été préparés et discutés, mais aucun n'est sorti. La dernière version, élaborée au cours de l'été 1975, a provoqué la colère des architectes, qui sont descendus dans la rue, le 23 septembre 1975, manifestation sans précédent dans l'histoire de cette profession libérale. Après une longue brouille, les conversations ont repris entre les responsables de la profession et les pouvoirs publics, au printemps de 1976. Mais, pendant ce temps, plusieurs groupes différents exprimaient d'autres idées au sein de la profession. Soixante-seize architectes, pour la plupart jeunes et lauréats de concours organisés par les villes nouvelles ou l'administration de l'équipement, exprimaient dans un manifeste leurs idées sur l'urbanisme. Baptisé Mars 76, ce groupe critiquait notamment l'Ordre des architectes et contestait sa nécessité. Il demandait aussi que la préparation des plans d'occupation des sols, ces nouveaux plans d'urbanisme qui régissent de façon très précise le destin des sols dans les villes pour les années à venir, soit entièrement revue de façon moins technocratique et plus proche de la réalité urbaine. De son côté, l'Association pour la démocratisation de l'urbanisme et de l'architecture (ADUA), née dans la tourmente de mai 68 et qui organise en juin 1975 des états généraux de l'architecture, exprimait à nouveau son hostilité aux institutions ordinales, héritées du régime de Vichy et inadaptées, selon elle, à la situation contemporaine.

Un nouvel arsenal législatif contre la spéculation et les constructions sauvages

C'est une grande année pour l'urbanisme, du moins pour sa codification. Plusieurs textes législatifs importants enrichissent un arsenal déjà bien fourni. Des mécanismes nouveaux sont inventés pour « juguler la spéculation foncière », objectif déclaré de Robert Galley, ministre de l'Équipement.