Architecture et urbanisme

Les tendances nouvelles marquent le pas

Immeubles de ville, grands ensembles de banlieue, maisons individuelles de série. Apparemment, l'architecture ne progresse guère, évolue à peine. Pourtant, il est des occasions privilégiées où l'on voit bouger l'architecture, où l'on discerne même des modes, qui se traduisent plus ou moins sur le terrain ; ce sont les concours, où les jeunes architectes cherchent à se faire remarquer : les villes nouvelles, a priori plus ouvertes à l'imagination ; les compétitions organisées par le ministère de l'Équipement, qui ouvrent droit à un label (Modèle innovation, ou Programme architecture nouvelle) et à des contingents de crédit spécialement réservés.

C'est plus souvent dans le secteur aidé, celui du logement social, que l'innovation montre le bout de l'oreille. Les constructeurs privés prennent rarement ce genre de risque et continuent de construire en se fiant aux résultats de leurs études de marché.

Sociaux ou pas, les logements se ressemblent beaucoup : malgré quelque 35 000 plans différents, il y a peu de variété dans la forme des appartements, la distribution des pièces, la silhouette des immeubles. Entre un HLM et un immeuble de luxe, la différence est plus dans quelques éléments de décor (mince pellicule de pierre de taille, balcons filants en verre fumé, marbre et plantes vertes dans le hall) que dans la conception architecturale.

Cette indigence et cette médiocrité de l'architecture de l'habitat sont générales, même si elles sont plus vivement ressenties par les habitants des logements les plus modestes, privés en plus du décorum.

Après la Seconde Guerre mondiale, on s'est surtout préoccupé de construire beaucoup ; on s'est peu interrogé sur la manière de le faire et cette situation de pénurie a encouragé la paresse intellectuelle et le manque d'imagination. Depuis quelques années, tandis que la question du nombre des logements est en passe de se résoudre, des efforts sont faits par certaines administrations pour encourager une recherche de qualité. Mais la crise économique actuelle risque de freiner cette tentative et d'interrompre un mouvement à peine engagé.

En outre, si les idées nouvelles ne manquent pas, on a parfois du mal à les concrétiser sur le terrain. On voit ainsi des modes se dessiner et se succéder, avant même que les tendances précédentes aient pu être appliquées en vraie grandeur.

Halles : un grand point d'interrogation

Faire œuvre d'architecte, dans le centre de Paris, en 1976, n'est pas chose aisée. Il suffit pour s'en convaincre d'observer les difficultés rencontrées par les administrations et les hommes de l'art devant le difficile problème des Halles de Paris. À voir dit qu'on y ferait un grand jardin ne suffisait pas. Que faire exactement autour du jardin ? Le programme prévu comprend à la fois des logements, un hôtel et de nombreux équipements, tous situés à l'est du carreau, le long des rues Rambuteau, Pierre-Lescot et Berger. Après avoir tenté de travailler avec Ricardo Bofill et Bernard de La Tour d'Auvergne, Émile Aillaud quitte la troïka à l'automne 1975. En janvier 1976, Henry Bernard et Marc Saltet, tous deux inspecteurs généraux des Bâtiments civils et Palais nationaux et membres de l'Institut, sont désignés pour tenter, en compagnie des deux premiers, de proposer une œuvre collective. Un projet doit être présenté au président de la République au début de juillet 1976. La difficulté principale réside dans la définition d'une architecture, d'un style, pour le bâtiment de 144 m de long et 21 m de haut qui doit border le jardin le long de la rue Pierre-Lescot. On s'interroge beaucoup sur cet ensemble monumental, plus important que les deux immeubles de Gabriel qui bordent la place de la Concorde.

Pyramides

Pour des raisons de simplicité technique et de moindre coût, les façades de la plupart des immeubles sont planes. Si le standing de la construction permet d'y ajouter des balcons, cela ne change rien : ils sont sagement alignés l'un au-dessus de l'autre. Les architectes qui ont proposé des constructions dégradées où chaque étage est en retrait du niveau inférieur, la silhouette générale de la construction étant grosso modo pyramidale, ont donc provoqué une petite révolution, mais une révolution lente.