En réalité, les débats autour du Plan n'ont fait que refléter l'incertitude dans laquelle la France (et, avec elle, tout l'Occident) sort de la crise économique. Certes, celle-ci a été surmontée beaucoup plus vite, et à moindres frais, que la crise des années 30. Cela peut être considéré comme un signe de santé des économies occidentales. Mais on ne sait pas dans quel état nous en sortons. Nous n'avons pas jugulé l'inflation, qui a été à l'origine de la crise. Les nouvelles formes du développement économique sont encore balbutiantes. Les rapports entre pays riches et tiers monde mettront plusieurs années à se redéfinir.
Craintes
Les systèmes politiques paraissent, partout, affaiblis : alors que l'Occident est gouverné au centre depuis trente ans, il pourrait bientôt être gouverné aux extrêmes (à gauche dans certains pays, à droite dans d'autres), ce qui compromettrait les efforts de coopération internationale, grâce auxquels, précisément, la crise a pu être endiguée.
Sur le plan strictement économique, il est à craindre qu'au système des taux de change flottants s'ajoute un système des taux de croissance flottants. C'est-à-dire que la croissance ne disparaîtra pas ; mais elle sera beaucoup plus irrégulière que dans le passé.
Évidemment, il peut sembler beaucoup moins grave de ne pas progresser, certaines années, quand on produit pour 1 500 milliards de richesses par an (cas de la France en 1976) qu'avant guerre, quand on produisait quatre fois moins. Souffrir d'un manque à gagner de 100 milliards aujourd'hui, ce n'est qu'un quinzième de la production annuelle ; cela aurait représenté le quart de la production avant guerre ! Mais les hommes ne comparent pas leur situation présente à celle du passé ; ils la comparent à celle de leurs voisins et, plus encore, à celle dont ils rêvent ! Tant que l'Occident ne se sera pas donné d'autres raisons de vivre que d'accumuler des richesses, il se jugera lui-même sur sa capacité à le faire.