Les spécialistes américains sont bien peu optimistes et laissent prévoir, pour les États-Unis, de nouvelles réductions de l'extraction en cours de l'année 1975 : on parle de 20 % et bien davantage, ce qui est supérieur aux 15 % de réduction que les quatre pays membres du CIPEC décident d'appliquer à partir du 15 avril 1975.
Cette nouvelle mesure, après un sursaut, ne peut empêcher le glissement des cours au voisinage de 500 livres la tonne, niveau auquel plus de la moitié des mines ne couvrent même plus leurs coûts de production.
Selon toute vraisemblance, il y a peu d'espoir d'enregistrer, avant de longs mois, un redressement. Dans le cas le plus favorable d'une reprise économique aux États-Unis dans le courant du deuxième semestre 1975, les conditions sur le marché du cuivre ne s'amélioreraient que bien plus tard, le « délai de réponse » étant estimé à six ou huit mois, et même davantage pour certains, qui le portent à douze ou quinze mois. L'existence de stocks importants, on l'a vu, constitue un frein puissant à toute amélioration.
Ce n'est donc guère avant le printemps 1976 que les spécialistes entrevoient une remontée des prix du métal rouge. Mais ils conseillent de ne pas négliger de tenir compte des phénomènes d'anticipation, qui sont de nature à déjouer bien des calculs. Ainsi les spécialistes de la société Rio Tinto Zinc évaluent à 500 000 tonnes le volume des stocks alarmants susceptible de changer de main en très peu de temps au cas où les opérateurs discerneraient quelques signes de changement. Là comme ailleurs, ce qui se passe dans les esprits a autant d'importance que les faits bruts eux-mêmes. Signalons enfin que des rumeurs ont couru, à plusieurs reprises, sur la possibilité de voir les pays producteurs de pétrole investir une partie de leurs capitaux dans le stockage des excédents de cuivre, pour permettre aux pays producteurs de mieux tenir leurs prix. Mais ces rumeurs ne se sont pas concrétisées, les détenteurs de capitaux en question ayant trouvé des emplois plus rémunérateurs et... moins risqués. Encore un espoir qui s'est envolé pour les producteurs.
Zinc et plomb
Le sort du zinc et du plomb n'est guère meilleur. Après une chute respectivement de 64 % et de 28 % au second semestre 1974 sur les plus hauts cours atteints en mai, l'effritement se poursuit au cours du premier semestre 1975, notamment pour le plomb, qui baisse encore de 28 %, pour revenir, à Londres, à son plus bas niveau depuis deux ans.
Les producteurs sont en désaccord sur la mise en pratique éventuelle d'une politique de soutien des prix.
Étain
Relativement rare, l'étain a mieux tiré son épingle du jeu. Après avoir bondi en 1974 de 2 800 livres la tonne à un sommet de 4 245 livres (+ 50 %) et être retombé à 2 660 livres, le prix du métal blanc semble se stabiliser aux environs de 3 000 livres. Mais les décisions du Conseil international de l'étain (réduction de 18 % les livraisons des producteurs et octroi du crédit de 21 millions de livres sterling pour défendre un prix plancher de 900 dollars malais) sont insuffisantes pour compenser la diminution de la demande mondiale. Une conférence mondiale réunie à Genève sous les auspices de la CNUCED a tenté, en vain, d'intégrer les États-Unis, détenteurs d'une année de production mondiale dans leurs stocks stratégiques, au sein du Conseil international. Mais, fidèles à leur libéralisme traditionnel, ceux-ci répugnent à s'engager dans toute politique autoritaire de fixation des prix.
Céréales : la confusion et l'absurdité
Au seuil de l'été 1975, les prix des céréales continuent à baisser, en repli de 30 % depuis le début de l'année et de près de 50 % sur les plus hauts niveaux atteints au début de 1974. Mais les stocks sont au plus bas, et toutes les prévisions de la FAO ou de la Banque mondiale montrent que l'équilibre restera extrêmement précaire entre la production alimentaire pendant les dix prochaines années. Pourquoi alors cette baisse sur les marchés mondiaux ? Pour tenter de répondre à cette question, il faut remonter à l'été 1972, lorsque l'Union soviétique fait flamber les prix en achetant quelque 20 millions de tonnes de grain pour combler le déficit de sa récolte. À partir de ce moment, une hausse continue va se développer sur les marchés mondiaux dans une atmosphère de pénurie. Trois années de récoltes médiocres, obligeant non seulement les pays sous-développés, mais de puissantes nations comme la Chine et l'Inde, à acheter des céréales à l'extérieur, poussant les cours à un niveau record au début de 1975, la progression dépassant 200 %.
Rechute
Puis c'est la rechute : la remontée brutale du dollar à l'occasion de la crise du pétrole fait reculer les acheteurs qui opèrent sur les places américaines, essentiellement Chicago. Mais les tensions demeurent et, après une baisse de 30 % au printemps 1974, la pire sécheresse que les États-Unis aient connue depuis vingt ans fait bondir à nouveau les cours des céréales à Chicago : celui du maïs bat tous les records, tandis que celui du soja se rapproche dangereusement des sommets atteints en août 1973, lorsque l'Europe se vit menacée d'une grave diminution des livraisons.
Tension
Le secrétaire d'État américain à l'Agriculture est obligé, en août 1974, de faire une tournée des capitales européennes pour convaincre le Vieux Monde de réduire ses achats de mais aux États-Unis. En octobre suivant, il bloque la vente à l'Union soviétique de 2,3 millions de tonnes de maïs et de 1 million de tonnes de blé. Washington précise qu'il ne s'agit pas d'une mesure discriminatoire vis-à-vis de Moscou (les quantités en cause n'étant pas très importantes). Mais les stocks sont tombés trop bas et l'opération risque d'entraîner une nouvelle flambée des cours, comme en 1972. En novembre, le directeur général de la FAO consacre une large part de ses efforts, pendant la Conférence mondiale de l'alimentation à Rome, à obtenir des pays producteurs la fourniture des dix millions de t. de céréales au cours des mois suivants, pour conjurer les menaces de famine dans les pays pauvres. En vain.
Renversement
Puis c'est le renversement. En mai 1975, le département américain de l'Agriculture lève définitivement les contrôles sur les exportations de céréales. L'Union soviétique et la Chine annulent plusieurs de leurs contrats d'achats, et l'Égypte ajourne les livraisons sur certains des siens. Du coup, les prix retombent de 30 %, et malgré les intempéries survenues aux États-Unis, qui ont compromis une récolte devant battre tous les records, les craintes de pénurie disparaissent, alors que les stocks mondiaux ne couvrent que cinq semaines de consommation. Aux yeux de tous les observateurs, les récoltes qui apparaissaient insuffisantes en août ne le sont plus en décembre. Que s'est-il passé ?
Raison de la baisse
Tout simplement ce que l'on a pu constater pour le pétrole, le sucre ou les phosphates : la hausse des prix décourage les consommateurs. L'Inde a signifié qu'elle ne pourrait payer davantage. Russes et Chinois renâclent. En outre, la chute de la demande de bœuf aux États-Unis, après la flambée des cours de 1973 (qui entraîne un boycottage de la viande par les consommateurs), se répercute sur les livraisons d'aliments pour le bétail, essentiellement à base de maïs (– 20 %). De son côté, la CEE, qui avait freiné ses exportations pour assurer l'alimentation de son marché intérieur, reprend ses exportations, ce qui pèse sur les cours. Enfin, les négociants internationaux, qui avaient quelque peu spéculé à la hausse, renversent leurs positions, ce qui entraîne une détente immédiate. Et pourtant, comme nous l'avons vu, l'équilibre reste précaire. Mais depuis 1972 toutes les prévisions sur l'évolution du marché mondial ont été déjouées : à partir de 1972, les prix ont triplé et même quadruplé, alors même que la crainte des excédents restait, au départ, la préoccupation essentielle de nombreux gouvernements. Aujourd'hui c'est l'abondance, alors que d'éventuelles mauvaises récoltes sont susceptibles d'engendrer de nouvelles pénuries.
Pourtant, la plupart des spécialistes s'accordent pour reconnaître qu'il existe désormais un plancher technique à la baisse. Le coût de production des céréales a sensiblement augmenté en raison du renchérissement du prix des engrais, du carburant, du matériel agricole et des terres. Les producteurs sont de moins en moins disposés à accepter que les cours retombent au niveau très bas de 1960-70. Enfin, les stocks de grain se reconstitueront difficilement et la tendance devrait rester à la hausse, surtout si les prochaines récoltes sont médiocres, comme cela semble être le cas pour le maïs.