La mode
Une tendance nostalgique avec le retour aux années 30
La mode de printemps pétille comme un champagne de bonne cuvée. La silhouette est fluide, l'ourlet au mollet, comme en hiver. Un sujet de curiosité et de commentaires : le style des années 30, remarquablement interprété par Saint-Laurent pour habiller Arlette Stavisky (Anny Duperey) dans le film d'Alain Resnais. Renards blancs et paillettes, crêpe de Chine et sautoirs de perles, tailleur bien épaulé, blouse de soie, voilette de charme ; à quarante ans de distance, ce raffinement est toujours séducteur. Saint-Laurent dessine quelques vêtements d'une élégance rationnelle, pour aujourd'hui et pour demain, laissant à ses concurrents le flou, les volants et les fronces. Louis Féraud joue sur le cœur, qu'il pose sur des mousselines pastels, des robes ailées qu'un souffle efface et recompose. Ungaro impose le mouvement : ampleur en rondeur, plissés superposés qui s'animent au moindre geste, dans une palette ensoleillée, rose, jaune, orangé : « J'aimerais, a-t-il dit, que mes robes aident les femmes à se sentir gaies, libres, conquérantes... » Moins expansif, un uniforme s'ébauche : la robe chemisier à col cravate, manches longues et plis piqués, accompagnée d'un manteau assorti ou d'une veste. C'est peut-être la seule nuance d'austérité d'une mode menacée par les changements.
Dans une économie modifiée par les hausses des matières premières naturelles ou synthétiques, la mode pourrait, selon certains économistes, redevenir un phénomène limité à un petit nombre d'articles, d'accessoires, d'éléments de parure, perdant du même coup son caractère irrationnel, ses foucades et ses outrances. On porterait les mêmes vêtements plus longtemps, tandis que se développerait un marché de vêtements d'occasion...
La haute couture, dans cette conjoncture, resterait un laboratoire d'idées. Ce qu'elle est devenue à mesure que s'amenuisait le nombre de ses clientes. Elles étaient, dit-on, 12 000 en 1950 ; en 1974, elles ne sont plus que 3 000. Renonçant à payer 5 000 F une robe, 11 000 F un tailleur, les femmes fortunées s'adressent de plus en plus au prêt-à-porter du même couturier. Parfums, foulards et sacs, lingerie, bas et tricots, vêtements pour enfants, et même chocolats (sous la même griffe) soutiennent ces entreprises de prestige, qui font partie du patrimoine national.
Nostalgie ? Les grandes créations de la mode passée entrent au musée. Paris a célébré Paul Poiret, en même temps que le Metropolitan Museum of Art de New York mettait à l'honneur cinq couturiers français, champions de la mode féminine de 1909 à 1939 : Poiret encore, Callot sœurs, Chanel, Madeleine Vionnet, Schiaparelli, tandis que le London Museum consacrait une exposition à Mary Quant. En lançant en 1955 la mode « pour les jeunes, par les jeunes », la styliste anglaise se taillait, par son talent et son invention, une gloire nationale.