Après les révoltes, les suicides deviennent « l'ultime moyen de contestation de l'homme prisonnier ». La liste en est longue : une vingtaine de suicides réussis depuis le début de l'année, une dizaine rien qu'entre juin et novembre. Ces derniers sont le fait de jeunes délinquants détenus dans des maisons d'arrêt, c'est-à-dire dans des établissements réservés aux prévenus – non encore jugés – ou aux personnes condamnées à des peines légères, petits délinquants mal sortis de l'adolescence, aux mœurs parfois particulières, usagers de la drogue, jeunes en proie au désespoir et à la solitude. Le 13 novembre, un jeune homme de dix-sept ans se suicide à Fleury-Mérogis : le Syndicat national des personnels de l'éducation surveillée, rattaché à la FEN, déplore les abus de l'incarcération des jeunes de moins de dix-huit ans, qui conduisent près de 6 000 d'entre eux chaque année dans les prisons, « où l'administration pénitentiaire a pour seul véritable souci la sécurité et la commodité de la justice, mais rarement les conditions du reclassement ultérieur ».
Améliorations
Le 5 octobre 1972, René Pleven, alors garde des Sceaux, a présenté au Sénat un important texte législatif préparant la réforme pénale et pénitentiaire. Le ministre a reconnu « qu'il y a dans nos prisons trop de détenus ». Dès le 20 septembre, d'ailleurs, le Journal officiel a annoncé diverses améliorations du régime pénitentiaire, dix mois après les événements de Toul. Ces mesures ont pour objet d'organiser une concertation entre le juge de l'application des peines, les chefs d'établissements et les différentes catégories de personnels. Diverses modifications déjà acquises sont reprises dans un décret ministériel, telle la réduction (de 90 à 45 jours) de la durée maximale de mise en cellule disciplinaire ; d'autres sont confirmées, telle l'obligation d'informer le juge de l'application des peines de toutes les sanctions qui sont prononcées. Enfin, « le travail dans les prisons n'est plus considéré comme un élément afflictif de la peine, mais comme un moyen de traitement et de réadaptation, tant sur le plan psychologique que professionnel ». La loi du 29 décembre 1972 viendra compléter ces mesures, en augmentant notamment le rôle du juge de l'application des peines.
Encore s'agit-il d'humaniser, comme l'avait déclaré R. Pleven, la vie dans les prisons, d'individualiser les modalités d'exécution de la peine, et de favoriser la réinsertion du détenu dans la vie sociale. Le 15 janvier 1973, devant la multiplication des suicides et autres incidents dans les prisons, Pierre Arpaillange, directeur des Affaires criminelles et des grâces au ministère de la Justice, adresse une circulaire aux premiers présidents el aux procureurs généraux des cours d'appel. Il recommande la stricte observation des textes réglementant la détention provisoire, la multiplication des contacts entre les détenus et les magistrats, et rappelle que les interrogatoires ne doivent pas être trop espacés. Mais, deux semaines plus tard, l'information ouverte contre X..., après le rapport de Robert Schmelck, avocat général à la Cour de cassation, sur les sévices exercés contre les détenus de Toul, est close par une ordonnance de non-lieu.
Le 9 février, un détenu de la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis, qui avait menacé de se suicider parce qu'il était en détention provisoire depuis trois ans, est remis en liberté. La détention provisoire et le contrôle judiciaire fournissent au même moment les thèmes principaux des journées d'études de l'Association française de criminologie à Aix-en-Provence, où l'on réclame de nouveaux moyens pour la justice, dont le budget représente moins de 1 % du revenu national.
Le jeudi 5 avril, nouvelle émeute à Lyon, à la prison Saint-Paul, qui n'est pourtant pas de celles où le régime est particulièrement sévère. Les détenus réclament une meilleure alimentation, des séances de parloir plus fréquentes, la possibilité de disposer d'un poste à transistors. Le 8 mai, l'agitation se transforme en mutinerie. Des heurts entre mutins et forces de l'ordre font 50 blessés. Cette fois les détenus protestent contre « la lenteur des instructions et la longueur des détentions provisoires ».