Les municipales : net progrès de la bipolarisation
Première consultation nationale depuis l'entrée de Georges Pompidou à l'Élysée et la mort du général de Gaulle, les élections municipales des 14 et 21 mars 1971 peuvent être résumées d'un mot : bipolarisation. Plus nettement que jamais, en effet, le rassemblement des candidats, et par voie de conséquence des électeurs, s'est opéré autour de deux pôles, d'un côté autour du parti communiste dans l'opposition, de l'autre côté autour du mouvement gaulliste dans la majorité.
Dans les 37 713 communes de la métropole, il s'agissait, pour les 29 millions d'électeurs inscrits, de renouveler 468 000 conseillers municipaux, issus pour la plupart des élections de mars 1965. On dénombre parmi les candidats 36 membres du gouvernement, 360 députés (sur 487) et 191 sénateurs (sur 283). Mais, en fait, le caractère politique des élections n'est vraiment marqué que dans les 193 villes de plus de 30 000 habitants (y compris Paris), où le mode de scrutin (listes bloquées) est d'ailleurs différent de celui qui s'applique dans les localités de moindre importance.
La majorité et le gouvernement s'efforcent dans un premier temps de retirer tout caractère politique à la consultation, tandis que l'opposition tente d'improviser en hâte et dans une certaine confusion une tactique unitaire. La situation est nette pour les candidats communistes, qui, avec ou sans alliés, vont partout à la bataille sous leur drapeau ; elle est relativement claire du côté de l'UDR, qui a, sauf dans quelques cas, donné son investiture ou son appui à une seule liste. On trouve, en revanche, toutes les combinaisons imaginables d'alliances ou d'affrontements pour les autres formations des deux camps.
En particulier, des socialistes et des radicaux sont tantôt alliés au PC, tantôt en rivalité avec lui, quelquefois même associés à la majorité, bien que le parti socialiste ait conclu avec les communistes un accord préférentiel en vue du second tour. De même, les républicains indépendants, les différentes tendances centristes — du Centre démocrate de Jean Lecanuet dans l'opposition au Centre démocratie et progrès de Jacques Duhamel dans la majorité — et les modérés d'orientations diverses se trouvent ici alliés entre eux et à l'UDR, là concurrents, ou bien hostiles à la majorité. Enfin, les GAM (groupes d'action municipale) tentent, avec un succès relatif, d'imposer une approche plus moderne dans le débat.
La campagne devait être remarquablement calme, sauf rares exceptions, et notamment une fusillade entre propagandistes de l'ancien et du nouveau maire de Puteaux, tous deux d'origine socialiste, qui fit un mort. Mais, dans l'ensemble, la tactique compte plus que le fond et les grands problèmes tant débattus au cours des mois précédents, la régionalisation en particulier, sont fort peu évoqués. Le scrutin donne les résultats suivants.
L'éligibilité a été abaissée de 23 à 21 ans par le vote de l'Assemblée nationale du 17 décembre 1970, sur une proposition de loi adoptée par le Sénat en juin 1969. Cette mesure, qui est également applicable pour les conseillers généraux, est entrée en vigueur pour la première fois aux élections municipales de mars 1971.
Premier tour
La participation électorale, plutôt faible dans les grandes villes, est corrigée par le vote massif des villes moyennes et des villages, et atteint un niveau satisfaisant, légèrement supérieur à 75 % des inscrits. Dès ce premier tour, 124 des 193 villes de plus de 30 000 habitants choisissent leurs conseillers, le plus souvent réélisent le maire sortant et sa liste.
Ainsi Jacques Chaban-Delmas l'emporte-t-il haut la main à Bordeaux, Louis Pradel à Lyon (avec un nouveau conseiller : Jacques Soustelle), Jacques Médecin à Nice, Jean Lecanuet à Rouen, Henri Fréville à Rennes, Pierre Pflimlin à Strasbourg... Guy Mollet, allié cette fois aux communistes, est réélu à Arras, tandis qu'un autre socialiste qui avait rompu avec son parti en refusant l'entente avec le PC, Emile Muller, retrouve également son écharpe à Mulhouse. « Prime aux sortants » ou « rente de situation », les changements sont rares, mais ils suffisent pour que tout le monde chante victoire.