Relations sociales

La négociation devient permanente

La rébellion de 82 OS chez Renault, au Mans, a-t-elle marqué l'échec de la politique contractuelle patiemment élaborée par le Premier ministre depuis 1969 ? Survenue quelques semaines après la signature de l'accord annuel d'entreprise, alors que l'agitation semble circonscrite à quelques secteurs particuliers (les compagnies aériennes) ou à des débrayages sans lendemain (journée d'action dans la métallurgie, le bâtiment, le papier-carton...), ou encore à des arrêts de travail dans des entreprises de faible dimension, la grève chez Renault (29 avril-24 mai) marque finalement une rupture, tardive mais réelle, dans le climat social. Un conflit chez Renault est toujours significatif ; surtout lorsqu'il est suivi, quelques jours plus tard, par une grève désordonnée à la SNCF, où, là aussi, une année de paix sociale semblait garantie par les syndicats. Ce conflit, qui s'est cristallisé sur la revendication des primes de vacances, marque surtout l'inquiétude des salariés, trop rapidement confrontés à la mutation économique et technologique de l'industrie des transports.

Le climat de crise monétaire (réévaluation déguisée du mark) et l'inflation généralisée ont contribué largement à la dégradation de la situation sociale.

Accident ou échec

Pour certains, le conflit Renault peut être considéré comme un échec de la politique contractuelle ; il suffit, affirment-ils, d'observer à quel point le gouvernement a feint de ne pas s'en irriter pour en être convaincu. Taxé de progressisme depuis quinze ans, Pierre Dreyfus avait fait de Renault le laboratoire de la politique contractuelle. Il y a deux ans, Georges Pompidou choisit Renault pour tester l'actionnariat ouvrier. Début 1971, la Régie obtient l'appui de la CGT pour le renouvellement de l'accord.

Les syndicats manifestent leur embarras à l'issue d'une grève qu'ils avalent d'abord cherché à étouffer et, devant l'amertume des ouvriers, réduits à accepter quelques hausses de salaires. Leur mouvement était surtout, semble-t-il, inspiré par une contestation plus radicale du système économique et social.

Accident ou événement significatif, sursaut sans lendemain ou prélude à un mai rampant à l'italienne ? Ce conflit met au jour toutes les ambiguïtés et toutes les contradictions de la politique sociale française, où se côtoient renouveau de la négociation et radicalisation des luttes, répression contre les militants et réformes sociales...

Renaissance

La négociation interprofessionnelle (les pouvoirs publics sont loin d'y être étrangers) est peut-être le signe le plus spectaculaire de ce renouveau des négociations collectives. Elle n'en est pas, pour autant, l'élément le plus déterminant.

– La négociation interprofessionnelle.
Pendant plusieurs années, la CGT et la CFDT ont piétiné en vain avenue Pierre-Ier-de-Serbie et les accords nationaux interprofessionnels signés en 1970-71 prennent un relief particulier. Trois grands accords : indemnisation du congé maternité — 2 juillet 1970 —, formation professionnelle — 9 juillet et 30 avril 1971 — et une esquisse de négociations bilatérales (avec chacune des organisations syndicales) sur l'abaissement de l'âge de la retraite pour les chômeurs et les handicapés, marquent que le CNPF ne limite plus son intervention à des accords cadres justifiés techniquement par la nécessité de faire reposer la solidarité sur le plus grand nombre de salariés (cas de l'UNIRS ou de l'UNEDIC).

Les accords sur la formation professionnelle sont venus combler les vides de la loi de décembre 1966 sur l'enseignement professionnel. Mais ils ont, à leur tour, suscité un nouveau mouvement législatif. La loi sur la formation professionnelle permanente, présentée au Parlement en juin 1971, a généralisé les dispositions contractuelles et établi des modalités nouvelles de financement, en réformant l'ancienne taxe d'apprentissage (réduite de 0,6 % à 0,5 %), désormais complétée par une seconde taxe, qui pourra atteindre 1,5 % en 1976.