Faits divers
Des contestations violentes et une agitation morose
Née après les événements de mai 1968, pour rassembler à la fois les actions des gauchistes et les mesures des autorités pour les contenir, la rubrique Agitation continue d'être alimentée, dans les journaux, par les différentes formes de contestation.
Alain Geismar, arrêté le 25 juin 1970 à Paris, promet, dans un discours prononcé à la Mutualité, le même mois, que l'été serait chaud. « Tremblez, bourgeois », disent les slogans sur les murs. En fait, il n'est que tiède : quelques bouteilles incendiaires, un petit nombre de voitures barbouillées de peinture ou en feu, un ou deux terrains de golf labourés, quelques fêtes populaires aussi. Informe au cours de cette opération, l'agitation va trouver, à la rentrée, un meilleur terrain avec les procès des vendeurs du journal la Cause du peuple, organe du mouvement la Gauche prolétarienne avant la dissolution de celui-ci (le 27 mai 1970).
Les détenus commencent une grève de la faim pour obtenir le régime politique. Ils attirent l'attention sur eux et profitent de cette occasion pour poser le problème des conditions de détention en France. Ce thème sera repris, en hiver, et deviendra un objet majeur de la contestation. Ces procès se déroulent selon un scénario semblable. La défense dépose des conclusions pour obtenir la nullité de la procédure, les accusés font des déclarations sur leurs idées, puis, récusant la cour qui les juge, « instrument, disent-ils, de la bourgeoisie », ils se font expulser de la salle d'audience. Les condamnations prononcées au début du mois d'octobre provoquent des réactions diverses dans la mesure où elles sont assorties de la privation, pour les prévenus, des droits civiques, civils et familiaux. Les protestations qui s'élèvent contribuent à entretenir une sorte de climat diffus de malaise pour tout ce qui a trait à l'agitation et à sa répression.
Le procès d'Alain Geismar, qui s'ouvre le 20 octobre 1970 devant la 17e chambre correctionnelle, doit être le moment fort de cette période. Le Palais de justice est ceinturé par d'importantes forces de l'ordre, qui ont d'ailleurs pris position en divers points de la capitale. Pour la comparution en justice de ce personnage surgi des événements de mai 1968, les services de police s'attendent à des manifestations. Une voiture transportant des bouteilles incendiaires est interceptée et ses occupants sont arrêtés. Des incidents, dans l'ensemble limités, se produiront jusqu'à la condamnation (le 22 octobre) d'Alain Geismar à dix-huit mois d'emprisonnement. L'ancien leader de la Gauche prolétarienne était poursuivi pour avoir appelé à manifester violemment, le 27 mai 1970, pour protester contre le procès fait à Le Dantec et Le Bris, les anciens directeurs de la Cause du peuple. Contrairement à ce qu'il fera, le 24 novembre, à la Cour de sûreté de l'État, qui le condamnera à deux ans de prison pour reconstitution de mouvement dissous, Geismar accepte le débat en correctionnelle ; il expose ses idées et celles de ses amis.
Ces idées prennent la forme de tracts distribués devant les usines ou de slogans tracés sur les murs. Leurs propagandistes se heurtent parfois aux policiers ou au service d'ordre des entreprises devant lesquelles ils se rendent. Ces faits, qui se déroulent aussi bien dans la région parisienne que dans les villes de province comme Toulouse, Grenoble, Lille, Rouen, Nantes, sont sanctionnés par les tribunaux, bien souvent selon la procédure de flagrant délit.
Cette réalité fait que la justice et la police vont devenir les thèmes principaux de l'agitation de l'hiver et du printemps. Le 14 janvier 1971, des gauchistes détenus entreprennent une nouvelle grève de la faim. Comme la première fois, il s'agit pour eux d'obtenir le régime politique et également de contester les conditions de vie dans les prisons. La campagne entreprise a plus d'ampleur qu'en automne. La grève est suivie en province. Des chercheurs et des enseignants s'y associent. Des manifestations ont lieu. Les grévistes finissent par obtenir la promesse qu'une commission sera créée en vue de définir les critères d'un choix aussi objectif que possible pour l'attribution du régime pénitentiaire spécial.