Journal de l'année Édition 1971 1971Éd. 1971

Pas de très grandes nouveautés dans les matériaux. La construction se réalise toujours à partir de procédés désormais traditionnels, où le béton, le verre et l'acier (murs-rideaux) jouent un rôle sans surprise. Le plastique reste le matériau dont on attend beaucoup, mais il est encore souvent difficile de savoir jusqu'à quel point on peut compter sur lui, tant les surprises qu'il réserve sont nombreuses et parfois inattendues.

De louables efforts sont entrepris afin de laisser l'architecture bénéficier le plus possible de cet appoint sans lequel elle reste presque toujours incomplète : l'œuvre d'artistes ; sculpture, fresque, mosaïque, composition picturale polychrome. Une exposition Art et architecture-bilan et problèmes du 1 % s'est tenue aux Halles ; elle a remporté un très vif succès.

Vis-à-vis de cet environnement dont on s'efforce à l'heure actuelle de déterminer les limites exactes, le contenu et même les définitions, l'œuvre d'art monumental s'impose et se justifie dans chaque cas. Ce ne sont pas toujours les artistes chevronnés qui brillent dans cette démonstration de talents. Bien des jeunes, auxquels les architectes accordent leur confiance, trouvent dans les travaux réalisés au titre du 1 % de magnifiques occasions de s'exprimer pleinement, et de révéler des qualités qu'ils n'auraient pas eu les moyens de démontrer ailleurs.

Fonction et beauté

On s'est penché aussi sur le dossier du mobilier urbain, et une exposition en a indiqué les grandes lignes. Il aura fallu des décennies pour faire prendre conscience au piéton — et aux responsables de nos rues — de la laideur des bancs, des lampadaires, des corbeilles à papier et des abris d'autobus, qu'ils côtoyaient sans y prêter attention. Sensibilisés, ils sont aujourd'hui plus attentifs ; on s'efforcera de ne pas les décevoir et de penser toujours que fonction n'est pas obligatoirement synonyme de laideur, et qu'une boîte aux lettres peut devenir un bel objet sans perdre pour cela ses qualités premières.

À l'étranger, rien de saillant, sinon une sorte de course aux records : construire toujours plus haut. Les buildings du Trade World Center de New York regarderont avec mépris l'Empire State. Mais rien dans leur conception, leur exécution ni leur aspect définitif ne présente quelque nouveauté que ce soit. Ils se contentent d'être plus grands, tel le Jumbo, qui n'est rien d'autre qu'un avion plus vaste.

Une année de stagnation, c'est certain, mais peut-être un palier d'où s'élanceront de nouvelles techniques, de nouvelles tendances ? L'architecture plafonne. Souhaitons que ce soit pour mieux chercher de nouvelles destinations. Il lui faut reprendre son souffle, faire un peu le point. Surtout si elle veut respecter à tout prix le bonheur de l'homme pour qui elle s'élabore. Au lieu de se borner à respecter des budgets et des plannings, dans un monde où elle investit, l'un après l'autre, les derniers retranchements de la nature, auquel elle vole ses derniers arbres et envoie en exil ses dernières fleurs et ses derniers oiseaux.

Une carrière tout entière vouée à l'architecture et à la recherche architecturale va trouver une juste récompense : un pionnier, Marcel Lods, et deux architectes de la jeune génération, Depondt et Beauclair, ses collaborateurs, se voient attribuer le prix Reynolds pour un ensemble de 500 logements du type HLM qu'ils ont édifié dans la banlieue rouennaise, à la Grand Mare. Ce prix, placé sous le patronage de l'American institute of architects, a été créé pour récompenser chaque année une œuvre où l'aluminium est judicieusement employé. Marcel Lods et ses assistants ont mis au point un procédé d'industrialisation (procédé GEAI), fondé sur le montage rapide d'éléments fabriqués en grande série, donc moins coûteux que les techniques traditionnelles. L'esthétique n'y perd pas ses droits, tout au contraire. Deux prix, en France, et seulement deux prix pour encourager un art méconnu du grand public. L'Équerre d'argent, fondé par la revue l'Architecture française en 1960 et décerné chaque année à un jeune architecte, pour une réalisation de qualité, et le prix Beauté et sauvegarde, créé par la Chambre syndicale des agents immobiliers de l'Île-de-France.