Architecture / Urbanisme
Quelques tentatives contre la laideur
« Je fais confiance non pas à l'État et à l'Administration, mais aux architectes... » En dépit de ces paroles pourtant rassurantes, que leur adressait Albin Chalandon, ministre de l'Équipement et du Logement, lors du Congrès des syndicats français d'architectes (Strasbourg, juin 1970), ces derniers restent très préoccupés par la situation de leur profession. Si, comme devait l'affirmer le ministre, « notre société doit (les) accueillir, au premier rang, parce que leur rôle est d'inscrire nos rêves dans la réalité », ce dont les intéressés semblent rester plus que jamais conscients, il n'en reste pas moins certain que l'évolution rapide du bâtiment vers l'industrialisation met en jeu leur avenir et leurs prérogatives.
Simple rouage
La recherche et l'application de procédés de construction industrialisés, suscitées par des motifs d'ordre financier toujours plus impérieux, ne mutent-elles pas l'architecte dans un contexte nouveau ? Hier encore seul maître d'un projet conçu dans le secret d'une équipe de proches collaborateurs (voire de disciples), le voici désormais devenu rouage parmi ingénieurs, financiers, sociologues, urbanistes, etc. Un rouage d'importance, certes, mais sans lequel l'énorme machine peut éventuellement fonctionner. Les exemples de réalisations architecturales élaborées sans le concours de l'architecte existent en nombre suffisant pour le prouver. Mais il y manque, et il y manquera toujours, cette vertu qu'est la beauté, ce petit quelque chose qui s'appelle l'élégance. Bâtir des ateliers fonctionnels est une chose. Faire à la fois des bâtiments qui soient beaux et fonctionnels est infiniment mieux. C'est indispensable à une époque où la laideur a si vite fait de se frayer un chemin dans la jungle de la construction (l'habitat social notamment), pour s'y installer et y régner durant des décennies.
À ces craintes légitimes, il convient d'ajouter les soucis engendrés par les difficultés profondes de l'enseignement de l'architecture. Remanié après la crise de mai 1968, l'enseignement dispensé dans les unités pédagogiques laisse mal augurer de l'avenir. Moyens disparates, programmes confus, anarchie quasi permanente dans des ateliers souvent livrés à eux-mêmes, autant de raisons de douter de l'efficacité des professeurs et de la qualité des élèves.
Les carences de la recherche architecturale ont été mises en avant lors du colloque organisé par le GEPA (Groupe d'étude et de perfectionnement des architectes), le 15 mai 1971. Quelques jours plus tôt, le ministre des Affaires culturelles, Jacques Duhamel, annonçait son intention de mettre en place de nouvelles structures : lancement dans les prochains mois des premières opérations publiques de recherche architecturale, en constituant notamment des équipes de chercheurs à Paris et en province.
Paris a continué de modifier son visage. À un rythme qui effraie ou enchante les Parisiens, selon qu'ils sont d'irréductibles conservateurs ou des partisans du modernisme. L'opération du Front de Seine, dans le XVe arrondissement, fait du quartier de Grenelle une ville dans la ville. Ici, les hautes verticales rigoureuses tranchent avec sévérité sur le galbe (certes désuet, mais qu'y faire ?) des toits de zinc posés il y a un siècle sur les immeubles cossus qui regardent la Seine depuis la rive opposée ; mariage de raison.
L'énorme opération de la Défense, à Courbevoie, Puteaux et Nanterre, est d'une autre nature. Les travaux sont dès à présent suffisamment avancés pour que l'on puisse juger ce que sera, demain, ce prolongement logique vers l'ouest d'un Paris gavé de béton et de brique à en mourir étouffé. Ici, architectes et urbanistes ont eu la liberté de travailler à partir d'un terrain vierge, et de concevoir un quartier où toutes les audaces sont possibles.
La mort des Halles
Le dossier des Halles, après avoir suscité tant de passions, de rancunes et d'espérances, a été refermé et classé. Aucun des pavillons de Baltard, dont on avait cependant découvert avec ravissement les charmes bien insoupçonnables auparavant, ne sera conservé, ni reconstitué ailleurs.