De Cuba, une surprise de taille : Lucia, premier long-métrage d'un débutant de vingt-huit ans, Humberto Solas, a fait sensation par son lyrisme, son réalisme et son humour, prouvant s'il en était besoin que l'auteur pouvait désormais s'engager avec sérénité sur les chemins les plus éclectiques.

D'Argentine, un film-tract de quatre heures, d'inspiration post-péroniste et révolutionnaire : l'Heure des brasiers, de Fernando Solanas, analyse avec violence et passion la situation politique de son pays. C'est un cinéma de combat, didactique, pédagogique même.

Divers

Certains pays, comme le Japon, semblent en perte de vitesse. Seul, Nagisa Oshima (la Pendaison, le Petit Garçon) a pris la relève des Mizoguchi, Kurosawa et autres Kobayashi.

Des signes avant-coureurs laissent espérer de fortes découvertes en Afrique, aussi bien en Égypte qu'au Maghreb ou dans l'Afrique noire, où l'Ivoirien Désiré Ecaré (À nous deux France) s'impose, après Sembene Ousmane, comme un cinéaste de grand talent.

En Europe, il est fort réconfortant de noter que deux des meilleurs films de l'année proviennent de pays qui ne nous avaient pas habitués à pareille fête : Scènes de chasse en Bavière, de Peter Fleischman, est une éprouvante condamnation de l'agressivité, sentiment tout proche d'une certaine forme de fascisme. Le film prouve que l'Allemagne va peut-être enfin sortir de sa léthargie cinématographique.

Quant a Charles mort ou vif, du Suisse Alain Tanner, c'est une œuvre pétillante d'intelligence, d'humour et de subversion. Un cocktail difficile à réussir et parfois à avaler. Tanner, avec de très modestes moyens, a prouvé que le talent ne connaissait pas de frontières et que la Suisse n'avait aucun complexe à avoir vis-à-vis de pays voisins dont les structures cinématographiques sont certainement plus solides, mais qui manquent également d'imaginations au pouvoir.

L'érotisme au cinéma

Le cinéma n'est pas resté à l'écart de la vague d'érotisme. Sans doute serait-il naïf de croire qu'il a pris le train en marche. Les cinéastes ont depuis longtemps découvert le pouvoir suggestif de l'image. Néanmoins, certains phénomènes nouveaux ont fait leur apparition.

Il est indéniable que les films érotiques ont de plus en plus de succès (ne vient-on pas, en Grande-Bretagne, de rebaptiser Nue sous le cuir le film la Motocyclette tiré du roman de Pieyre de Mandiargues). Ce succès a eu pour conséquence immédiate d'entraîner un bouleversement de certains circuits de diffusion. Les films osés, à Paris, ne sont plus seulement proposés aux connaisseurs de Pigalle ou des Grands Boulevards, ils ont émigré vers des salles plus nobles et ont même conquis les territoires Art et Essai. Ces films ne bénéficiaient autrefois que d'une courte exclusivité : aujourd'hui, les Contes de Grimm pour grandes personnes s'installent pendant plusieurs mois sur les Champs-Élysées et au Quartier latin. Leur indice de fréquentation est des plus flatteurs (très exactement 137 884 spectateurs en première exclusivité). Inversement, les essais d'acclimatation de certains films de valeur, comme Scènes de chasse en Bavière, dans des circuits très populaires se sont montrés désastreux. Il est assez instructif de savoir que ce remarquable film allemand n'a attiré que 1 595 personnes (soit 8,5 % de fréquentation) au cinéma Midi-Minuit en une semaine et qu'il a fallu d'urgence le remplacer par la Chair en feu (9 280 spectateurs).

De quels pays nous viennent ces films d'une assez désolante qualité artistique dans leur grande majorité, il faut l'avouer. Quelques-uns de France (Paris-Top-Secret), d'Italie (Enfer et Paradis ; l'Angleterre nue), du Japon (les Six Épouses de Ching), pays réputé pour avoir la plus forte proportion de films sexy. La majorité d'entre eux sont cependant allemands ou suédois.

L'Allemagne fait grande consommation de films d'éducation sexuelle du type Helga, dont on essaye d'exploiter le plus longtemps possible le filon. Spécialiste du genre, un F. J. Gottlieb ne manque jamais de s'adjoindre la caution de plusieurs médecins ou éducateurs. Astuce propre à attendrir la censure, car, en fait, aucun spectateur venu voir le Miracle de l'amour ou le Mariage parfait ne paie sa place pour mieux consolider sa morale. Autres grands succès allemands de l'année : Mais ne reste donc pas pucelle (121 900 entrées en exclusivité à Paris) et les Contes de Grimm pour grandes personnes, de Rolf Thiele. Une autre tendance du cinéma allemand se complaît dans les sordides histoires de gynécologues véreux et de prostituées au grand cœur. Il s'agit là d'un domaine qui ne relève absolument plus du cinéma.