Chronique judiciaire
Jean-Marie Deveaux de nouveau devant ses juges
La Cour de cassation a prononcé, cette année, un arrêt exceptionnel, en décidant que Jean-Marie Deveaux — jeune commis boucher condamné à vingt ans de réclusion criminelle, en 1963, par la cour d'assises du Rhône, qui l'avait déclaré coupable du meurtre de la fillette de ses patrons — serait à nouveau jugé.
À deux reprises, pourtant, la même juridiction avait rejeté les pourvois introduits devant elle — dont l'un ne différait guère de celui qu'elle a fini par admettre. Le prétexte invoqué pour prononcer la cassation ? Le président de la cour d'assises qui a condamné Deveaux s'est fait accompagner d'un commissaire de police pour visiter la cave où la fillette a été trouvée égorgée et eventree, et a ainsi accompli un acte d'instruction — auquel la défense, contrairement à la loi, n'a pas été conviée à participer.
Mais derrière les considérations de forme, l'opinion estime que se profile une prise de position sur le fond — le fond d'une affaire assez troublante. Jean-Marie Deveaux, en effet, a très vite rétracté les aveux qu'il avait passés devant les policiers. Depuis son procès et sa condamnation, il ne cesse de protester de son innocence : deux tentatives de suicide, une grève de la faim de trente-cinq jours donnent du poids à ses dénégations.
Et surtout, il a convaincu un aumônier des prisons, l'abbé Boyer ; celui-ci multiplie les conférences de presse, les appels à l'opinion, les critiques sur la façon dont la police et la magistrature ont procédé pendant l'enquête et le procès. À la fin, l'abbé réussit à obtenir l'appui de diverses personnalités. Mais toute possibilité de révision se heurte à une difficulté majeure : elle exige, selon les termes de la loi, un « fait nouveau ».
La présence d'un commissaire auprès du président lors de la visite des lieux du crime est ce « fait nouveau » retenu. La Cour de cassation, qui avait rejeté un pourvoi introduit par le ministre de la Justice Louis Joxe, admet celui que formule son successeur, René Capitant.
Jean-Marie Deveaux sera à nouveau jugé, par la cour d'assises de Dijon.
Les fanatiques de l'Arche de Noé sont jugés à Zurich
Dix ans de réclusion : telle est la peine que la cour d'assises de Zurich a infligée à Joseph Stocker et à Magdalena Kohler, qui — au nom de Dieu — avaient torturé une jeune fille de dix-huit ans, Bernadette Hasler.
Car c'est bien de mystique, de mystique démente, qu'il s'agit dans cette affaire. Prêtre défroqué, Joseph Stocker, avec Magdalena Kohler, a fondé la Secte des contemplateurs de l'Arche de Noé. Il en est le Saint-Père et sa compagne — une obsédée sexuelle, selon certains — la Sainte-Mère. Autour d'eux se réunissent des disciples, parmi lesquels l'épicier Emilio Bettio et les trois frères Barmettler, qui ont comparu en même temps que le Saint-Père et la Sainte-Mère devant les juges le Zurich. Ils ont été condamnés à des peines de trois à quatre ans de prison.
Tous ensemble ils ont, en effet, décidé, un jour de 1966, que le corps de la fille d'un membre de la secte était habité par Satan. Pour la purifier, ils la frappent à coups de canne, de cravache et de tuyau en caoutchouc. Bernadette Hasler en meurt.
Ce meurtre, pourtant, n'a pas fait perdre leur foi aux disciples et admirateurs du couple. « Ce sont des saints », les a-t-on entendus affirmer sentencieusement à la barre.
Pas plus que le public, le parquet et la défense n'ont été satisfaits du verdict. L'un et l'autre ont fait appel.