À l'été de 1965, Jean Prouvost et Ferdinand Béghin, liés par un protocole, finirent d'acheter toutes les actions de Mme Cotnaréanu, détenant désormais chacun 48,48 % des parts. En octobre était constituée la Société des rédacteurs, dans le dessein essentiel de maintenir la séparation des pouvoirs voulue par Pierre Brisson, au-delà de l'expiration du bail.

Les rédacteurs souhaitaient obtenir au sein du Conseil de la Société fermière une « minorité de blocage ». Ainsi pourraient-ils faire obstacle à toute décision qui leur paraîtrait menacer l'indépendance du journal. Ils se prévalaient pour cela de l'héritage de l'autorisation de reparaître, accordée à Pierre Brisson « et à son équipe ». La Société propriétaire ne leur en trouvait le droit ni dans les lois, ni dans les règlements, ni dans les contrats en vigueur.

Telles seront désormais les positions respectives. Les négociations sur la répartition des sièges au conseil de la future société de gestion ne parviendront pas à réduire le différend. Après l'arrêt de travail du 17 octobre, elles ne sortiront pas de l'impasse.

En mars, la Société des rédacteurs, qui jouit de l'appui sans réserve des « grandes signatures » du journal, vote à la quasi-unanimité le principe d'une grève de durée indéterminée si une solution satisfaisante n'est pas trouvée avant l'échéance imminente. Jacques de Lacretelle, François Mauriac tentent vainement d'obtenir la prorogation du bail de la Société fermière. Le 1er mai, quand l'assemblée générale des journalistes du Figaro décide, par 207 voix contre 26 et 16 bulletins nuls, d'arrêter le travail si son ultime proposition n'est pas retenue, les parties ont mis cartes sur table.

Nouveaux titres

– Le Fait public (titre initial : Public), édité par les journalistes licenciés de l'ORTF. Ce mensuel est le seul dont le capital social soit détenu dans sa quasi-totalité par la Société des rédacteurs ; président, Frédéric Pottecher.

– Politique aujourd'hui, revue mensuelle ; se propose de relancer le mouvement de rapprochement entre tous ceux qui se réclament du marxisme. Son comité de rédaction regroupe autour de Paul Noirot, rédacteur en chef, un certain nombre de ceux qui l'entouraient au sein de l'équipe de la revue communiste Démocratie nouvelle, disparue au mois d'octobre 1968. Cette initiative vaut à Paul Noirot son exclusion du PC.

– Panorama aujourd'hui, né de la fusion de Chrétiens d'aujourd'hui (mouvement chrétien dans le monde rural) et de Panorama chrétien (Maison de la Bonne Presse).

– Rouge, hebdomadaire, organe officieux de la Ligue communiste, organisation politique trotskyste.

– Weekly Selection, premier hebdomadaire français de langue anglaise, traduction de la Sélection hebdomadaire du Monde.

– L'Objectivité, publication mensuelle consacrée, à parties égales, à la politique et aux loisirs.

– Les Parents, magazine familial, lancé par le groupe Prouvost, sous la direction de Raymond Cartier.

– Planning familial, revue trimestrielle du Mouvement français pour le planning familial, patronnée par le professeur Jacques Monod, prix Nobel.

– Objectif, hebdomadaire édité à Lyon.

– Chorus, revue trimestrielle, apporte une peinture critique de la société de consommation, à travers des textes, des poèmes, des entretiens.

– De nouvelles publications encyclopédiques, artistiques, culinaires, etc., naissent en abondance. Opera Mundi lance Clef des connaissances, en association avec le groupe britannique British Printing Corp. ; les Éditions de la Grange-Batelière, le Million, imprimé en Italie ; Historia-Taillandier, le Journal de la France, etc.

Fin de publication

– Aux écoutes, hebdomadaire fondé en 1918 par Paul Lévy, succombe à son 2 333e numéro.

– La revue la Table ronde, après le Mercure de France et les Cahiers du Seuil, disparaît. Elle avait vingt ans d'existence.

– La Croix du Nord, dernier quotidien catholique de province, devient hebdomadaire sous le titre : la Croix du Nord-Dimanche.

La fièvre monte

Jean Prouvost veut obtenir pour lui-même, ou pour une personne désignée par lui, la présidence de la société de gestion et, pour les propriétaires, la décision finale en cas de litige. Les rédacteurs, avec l'agrément de Ferdinand Béghin, proposent la présidence de Raymond Aron. Candidature à laquelle Jean Prouvost « ne peut pas souscrire ». Il trace le portrait-robot du journaliste et du gestionnaire qu'il faut à la tête du Figaro. Il n'est pas difficile d'y reconnaître certains de ses propres traits.