Mais, à Prague, des journaux dénoncent, en termes à peine voilés, le rôle joué dans cette affaire par Grosser, le ministre tchèque de l'Intérieur, un conservateur. Ses hommes, selon la presse, auraient favorisé, dans un dessein politique, les excès antisoviétiques. Le 2 avril, la direction du parti s'incline, condamne les « actes de vandalisme du 28 mars » et s'en prend à la presse « qui dévie sérieusement de la ligne du parti ».

C'est insuffisant. Une visite du maréchal Gretchko, appuyée par les démarches de plusieurs généraux tchécoslovaques, Bedrich et Dvorak notamment, va précipiter le dénouement. Le comité central du parti est convoqué en session plénière le 17 avril. Il lui faudra quelques heures de débats pour accepter le remplacement de Dubcek par Husak, qui devient premier secrétaire du parti, et l'élimination de libéraux comme Smrkovsky et Hrdinova du nouveau praesidium restreint (11 membres au lieu de 21).

La nouvelle ligne autoritaire définie par Husak — priorité à la lutte contre les forces de droite et mise au pas de la presse — sera accueillie par la population avec plus de résignation que de révolte. La grève de protestation des étudiants de la faculté de philosophie de Prague ne sera guère suivie ; les syndicats, dont le président, Polacek, a fait son entrée au nouveau praesidium, ne bougeront pas. Et c'est dans l'indifférence presque totale que Dubcek se verra confier, le 28 avril 1969, le poste honorifique de président de l'Assemblée nationale.

Un combat le dos au mur

Les autorités tchécoslovaques renonceront, par mesure de prudence, à organiser un défilé le 1er mai, à Prague. Husak, surveillé de près par les conservateurs, dont Strougal apparaît de plus en plus comme le leader, ira très vite. En quelques semaines, 11 rédacteurs en chef sont mutés. Les plus célèbres des revues non conformistes, Listy et Reporter, sont interdites, de nombreux responsables du parti des régions tchèques sont limogés. La Tchécoslovaquie semble s'acheminer vers la « voie moyenne » de la Hongrie. Husak, qui affirme ne pas vouloir revenir au stalinisme, le confirme par un voyage hautement symbolique effectué le 15 mai 1969 à Budapest.

Mais les décisions du plénum du comité central, les 29 et 30 mai, se révèlent beaucoup plus dures qu'on ne pouvait le prévoir. Cinq libéraux, dont Ota Sik, sont exclus de la direction. L'un d'eux, Frantisek Kriegel, sera même chassé du parti. D'autres auront à rendre des comptes à des commissions spéciales qui ont pour tâche d'éliminer les « forces de droite ». Le 20 juin, l'Union des étudiants tchèques est dissoute. Husak rompt ainsi définitivement avec le dernier carré des libéraux, qui se battent désormais le dos au mur.

URSS

237 808 000. 32. 0,9 %.
Économie. Production (65) : A 22 % + I 61 % + S 17 %. Consomm. énergie (*66) : 3 789 kg e.c.
Transports. (*66) : 219 400 M pass./km, 2 016 031 M t/km.  : 10 617 000 tjb.
Information. (66) : *602 quotidiens ; tirage global : *63 926 000. (66) : *76 800 000. (66) : 19 000 000. (66) : fréquentation : 4 200 M.
Santé (65). 485 000 . Mté inf. (66) : 26,1.
Éducation (65). Prim. : 38 343 000. Sec. et techn. : 8 459 300. Sup. : 3 860 500.
Institutions. Fédération de républiques socialistes. Constitution de 1936. Président du présidium : Nicolai Podgorny ; succède à Anastase Mikoyan. Président du Conseil : Alexei Kossyguine. Premier secrétaire du Parti : Leonide Brejnev. Parti unique : Parti communiste.

Les autorités du Kremlin divisées : plusieurs tendances s'opposent

Essayer d'avoir la politique intérieure de sa politique extérieure, tel paraît être le but poursuivi par les dirigeants soviétiques. Les autorités du Kremlin manifestent avec vigueur leur volonté de ne pas laisser se développer une opposition en URSS, alors qu'ils se battent déjà sur deux autres fronts : celui du libéralisme tchécoslovaque et celui du maoïsme chinois.

Léonide Brejnev, parlant, le 25 octobre 1968, devant les représentants des Komsomols, dont c'était le 50e anniversaire, donne le signal d'une « lutte sans pitié contre l'idéologie adverse ». Cette « idéologie adverse » a, en effet, semble-t-il, fait quelques ravages au sein de l'intelligentsia, bouleversée par l'intervention du 21 août en Tchécoslovaquie.

Économie : bilan optimiste

Une production industrielle en augmentation de 8,1 %, une progression des salaires moyens de 7,5 % et un engagement d'étendre en 1969 la réforme Liberman sur la gestion autonome des entreprises à toute l'industrie : tel est le dernier bilan optimiste présenté par l'économie soviétique. Il appelle quelques correctifs. Seules 26 000 usines (53 % de l'ensemble, 71 % de la production), à peine plus que l'année précédente, fonctionnaient, début 1969, selon le nouveau système de gestion. Ce dernier a, du reste, vu son application ralentie par les réticences de nombreux cadres locaux et des fonctionnaires du plan. L'un d'eux dénonçait ainsi, dans la Komsomolskaya Pravda, « l'indépendance sans frein des entreprises soumises à la réforme ». Diagnostic notoirement exagéré quand on sait que les effets du système Liberman continuent à être très limités par la fixation des prix opérée par les organes centraux de l'économie soviétique.

La lutte contre les intellectuels

Pour avoir manifesté publiquement leurs sentiments sur la place Rouge, Larissa Daniel (dont le mari purge déjà une peine de 5 ans dans un camp de travail), Pavel Litvinov, Constantion Babitsky, Vladimir Dremliouga et Vadim Delauney sont déjà passés en jugement deux semaines avant le discours de Brejnev. Pour les trois premiers : l'exil en Sibérie ; pour les deux autres : la prison.