Les propositions du colloque de Caen ont soulevé un intérêt et des discussions considérables. C'était la première fois qu'un remaniement aussi profond des structures et des mœurs universitaires était envisagé et suggéré par des universitaires eux-mêmes. Elles ont été formulées généralement par des scientifiques. Du fait des modifications considérables de leurs conditions de travail et de recherches, ils se trouvent, en effet, confrontés quotidiennement à des difficultés dont beaucoup tiennent aux structures universitaires. Il en est de même pour la médecine, domaine dans lequel des propositions particulièrement novatrices ont été faites à Caen. Chez les littéraires et les juristes, en revanche, les idées de Caen ont souvent rencontré une méfiance non dissimulée.
Les problèmes évoqués à Caen ne sont pas les seuls à avoir agité l'opinion. Un autre sujet d'innombrables controverses demeure celui du baccalauréat et des conditions d'accès à l'enseignement supérieur.
Trois thèses en gros s'affrontent : certains, et c'est jusqu'à présent la doctrine officielle du ministère, estiment que le baccalauréat doit être maintenu sous sa forme actuelle, son niveau étant légèrement renforcé, afin qu'il joue son double rôle de sanction de l'enseignement secondaire et de premier grade du supérieur, donnant libre accès aux facultés. Selon d'autres, cet objectif est chimérique : avec l'enseignement de masse et la démocratisation du secondaire, le niveau du baccalauréat ne peut que se dégrader.
Il faut donc prendre son parti de cet état de fait et distinguer les deux fonctions de l'examen : un certificat de scolarité sera délivré à la grande majorité des élèves et les facultés organiseront des examens d'entrée correspondant à leurs propres exigences. Cette thèse, notamment, a été défendue par Raymond Aron, professeur à la Sorbonne.
Pour d'autres enfin, la sélection la plus importante ne se situe pas à l'entrée des facultés, mais au cours du premier cycle de l'enseignement supérieur. Ils estiment qu'il n'existe pas de critère sérieux pour trier les étudiants avant les études supérieures et que tous les bacheliers doivent pouvoir tenter leur chance dans les facultés. Telle est la thèse de Georges Vedel, doyen de la faculté de droit de Paris.
Le débat reste ouvert
Dans un débat au Parlement, Christian Fouchet a rejeté ces deux dernières formules. Selon lui, le système préconisé par Raymond Aron aboutirait à instituer une préparation stérile à un nouvel examen qui se substituerait à l'ancien baccalauréat, et celui de Georges Vedel reviendrait à ressusciter l'ancienne propédeutique que la réforme vient précisément de supprimer.
Christian Fouchet a cependant ajouté que le dossier n'était pas fermé.
Quelles autres solutions peuvent être envisagées ?
Signalons, comme pièces supplémentaires à verser au dossier, les projets convergents formulés par la Société des agrégés et le Syndicat général de l'éducation nationale (CFDT), qui s'inspirent du système anglais. Ils suggèrent de distinguer dans le baccalauréat des épreuves de base qui seraient exigibles de tous les candidats (le succès à ces épreuves donnerait le titre de bachelier) et des épreuves à option d'un niveau plus élevé, ouvrant l'accès à telle ou telle faculté.
Le débat reste donc ouvert. La discussion n'est sûrement pas près de s'épuiser. Ce problème délicat se pose, en effet, à peu près dans les mêmes termes, dans tous les pays développés.
Les réformes et les usagers
Un bouleversement aussi profond de cette vaste et vieille maison qu'est l'Éducation nationale ne pouvait pas s'engager sans provoquer d'innombrables difficultés — et un certain désordre. Il fallait changer des habitudes, s'accoutumer aux nouvelles structures — qui bien souvent n'existent que sur le papier. En dépit d'accroissements considérables, le budget de l'Éducation nationale et le nombre des enseignants demeurent toujours très insuffisants devant l'immensité des besoins.
Cette situation a suscité chez les parents, les enseignants et les élèves une inquiétude qui s'est exprimée lors des congrès tenus par leurs organisations.