Le corps de Mirabelle est un cylindre disposé selon un axe horizontal et dont la longueur est de 4,60 m, le diamètre de 1,60 m, ce qui lui donne une capacité voisine de 10 000 litres. Mirabelle sera pour un temps la plus grande chambre à bulles à hydrogène liquide. Elle est également dotée d'un système optique entièrement nouveau.
Les anneaux de stockage
Les anneaux de stockage de protons constituent un dispositif ingénieux pour multiplier l'énergie des impacts. Les protons accélérés dans le grand synchrotron du CERN, en territoire suisse, seront injectés dans deux anneaux concentriques placés dans un tunnel souterrain circulaire (construit en territoire français). Ces anneaux sont soumis à un champ magnétique et on y a réalisé un vide aussi poussé que possible. Dans ces conditions, les protons tournent pendant des heures en conservant leur énergie initiale. On peut amasser dans les anneaux plusieurs centaines de bouffées de protons, de manière à obtenir un faisceau intense (10 ampères). Les sens de rotation, dans les deux anneaux, sont opposés. Et voici où réside l'invention : les anneaux ne sont pas exactement circulaires, ils sont déformés de manière à se couper en huit points, où les deux faisceaux de protons entrent en collision presque frontale. À chacune des huit intersections, des appareils de détection identifient les particules produites dans les collisions et en mesurent les propriétés.
Collisions de projectiles
Si l'on compare un proton accéléré à une balle de fusil, on peut dire que la technique classique revient à tirer des balles sur des cibles au repos, pour observer les effets des impacts. La technique des anneaux de stockage consiste à créer des collisions entre projectiles animés d'une même énergie et tirés les uns à la rencontre des autres.
Dans ces conditions, l'énergie absorbée par l'impact n'est pas doublée, comme on pourrait le croire, mais considérablement multipliée. En effet, quand un proton accéléré heurte un proton au repos, une fraction seulement de l'énergie est utilisée par les processus de transformation des particules. L'autre fraction, la plus importante, est dissipée en énergie mécanique, l'ensemble des particules issues de la collision se trouvant déplacé vers l'avant. Avec l'accélérateur de 28 GeV, l'énergie utile est de 7 GeV (avec l'accélérateur de 300 GeV, elle sera de 24 GeV).
Mais quand deux protons de 28 GeV entrent en collision frontale et restent accolés, l'ensemble du système résultant de la collision reste au repos, et toute l'énergie est disponible pour les processus de transformation, soit 28 + 28 = 56 GeV. Pour obtenir un résultat comparable avec un accélérateur classique et une cible fixe, il faudrait une machine de 1 700 GeV.
Si le futur synchrotron de 300 GeV est doté à son tour d'anneaux de stockage, on y produira des collisions de protons équivalentes à celles qui seraient obtenues avec une cible fixe et un accélérateur de 200 000 GeV, absolument inconcevable pour la technologie contemporaine.
Les anneaux de stockage n'ont été utilisés jusqu'ici que pour des collisions électron - électron ou électron - positon (électron positif). Au laboratoire de l'accélérateur linéaire d'Orsay, il existe un anneau de collisions pour électrons et positons. La technique des collisions proton-proton pose des problèmes nouveaux, au sujet notamment des dispositifs de détection. Mais les hommes du CERN ont bon espoir de les résoudre.
Mathématiques
Le grand rassemblement des mathématiciens à Moscou
Reine des sciences, la mathématique (on emploie maintenant ce mot volontiers au singulier) passe auprès des profanes pour une discipline austère et réservée — du moins au niveau de la recherche — à une élite peu nombreuse. Ils étaient pourtant plus de 4 000, dont 229 Français, au Congrès international des mathématiciens qui s'est réuni à Moscou du 17 au 26 août 1966.
Ce rassemblement d'une ampleur sans précédent ne fut pas sans créer de délicats problèmes d'organisation. Outre 15 communications d'une heure et 68 d'une demi-heure, prononcées sur invitation du comité directeur, il y eut 1 860 exposés d'un quart d'heure, couvrant les domaines les plus divers, de la théorie des nombres aux probabilités, de la physique mathématique à l'enseignement.
En marge des séances
Le congrès avait été divisé en quinze sections ; des communications importantes furent ainsi faites simultanément, obligeant les congressistes à des choix embarrassants. Aussi, bien des entretiens intéressants eurent-ils finalement lieu en marge des séances officielles, dans les couloirs ou sur les escaliers de marbre de l'université Lomonossov.
Les médailles Fields
La séance inaugurale avait été consacrée à la remise des médailles Fields. Cette récompense équivaut à ce qu'est pour les autres sciences le prix Nobel (lequel, curieusement, ignore les mathématiciens). Trois Français figuraient déjà parmi les anciens lauréats : Laurent Schwartz, Jean-Pierre Serre et René Thom. Ordinairement, deux médailles d'or sont distribuées en même temps (le congrès se réunit tous les quatre ans).