L'année 1966 a été marquée par la publication des Problèmes de linguistique générale de E. Benveniste, ouvrage nuancé et conscient des problèmes que rencontre la méthode structurale. Claude Lévi-Strauss a poursuivi la publication de ses Mythologiques, avec Du miel aux cendres.

Dans ses Écrits (1966), Jacques Lacan rassemble trente ans d'articles consacrés à l'interprétation structuraliste de la psychanalyse. Il identifie les structures du « discours de l'inconscient » à celles de la pensée consciente, réduisant ainsi la connaissance objective du réel, telle que la construisent la méthode scientifique et la pensée logique, à la logique du rapport fantastique et inversé du désir à son objet.

Changement par rupture

Dans les Mots et les choses (1966), Michel Foucault, visant à rénover notre vision de la culture occidentale, conteste le schéma d'un progrès de la rationalité s'étendant successivement aux diverses branches de la connaissance : le savoir d'une époque est préformé dans les structures inconscientes qui déterminent les rapports secrets que les mots entretiennent avec les choses.

Au « niveau profond du savoir occidental », c'est l'inconscient qui parle, et il se révèle qu'il organise le champ latent du savoir en une sphère à la Renaissance, en un plan à l'âge classique, en un trièdre depuis le xixe siècle. Chaque système cède la place à un autre par une rupture.

Les adversaires du structuralisme lui reprochent d'étendre abusivement la portée de la méthode structurale et d'hypertrophier des résultats partiels en un corps de doctrine. La notion de langage, prise comme synonyme de pensée ou de connaissance, est employée à tout propos. La science devient le « discours scientifique » ; la compréhension critique des idées d'un texte, sa « lecture », etc.

Un anti-humanisme ?

Le sujet pensant est éliminé au profit de structures inconscientes du langage. En second lieu, en privilégiant les phénomènes synchroniques au détriment des faits de diachronie (différence dans le temps), on a tendance à exclure le point de vue de la genèse, du développement et de l'histoire, problème difficile, mais classique, des sciences humaines.

Enfin, la philosophie structuraliste déboucherait sur un anti-humanisme, les problèmes d'ordre éthique, prospectif ou normatif n'ayant plus de sens dès que sont effacées la liberté et la temporalité du sujet.

Techniques

Informatique

Le plan calcul

La France a décidé de mettre sur pied sa propre industrie de calculateurs électroniques. Les principes du Plan calcul ont été décidés en juillet 1966 et leur application a commencé en avril 1967.

Dans des cadres différents — et même d'inspiration opposée —, les deux grandes puissances mondiales peuvent jouer des atouts maîtres de l'économie moderne ; elles disposent d'organismes capables d'assumer de coûteuses recherches en laboratoire et une production industrielle massive.

Que ces organismes dépendent d'énormes groupes capitalistes ou d'une administration d'État, ils placent en mauvaise posture, dans le contexte mondial, les firmes européennes, et les firmes françaises notamment, qui sont de taille trop restreinte pour lutter à armes égales. Une planification à long terme exige les moyens de se livrer à des recherches en profondeur ; à l'échelle de nos industries, les études doivent se limiter à quelques secteurs étroits.

Seul dans l'aventure

Le cas est net pour les calculateurs électroniques. Aucune société privée, en France, n'aurait la force de se lancer seule dans l'aventure qui consiste à employer des équipes hautement qualifiées, pendant des années, pour élaborer une grande machine, à la construire, à la mettre au point, à organiser le réseau de spécialistes d'un service après vente.

Et pourtant, un pays qui refuse de rester à la traîne ne peut pas renoncer à l'industrie des calculateurs. Les grandes machines à traiter l'information n'assument pas seulement les gestions comptables ; elles sont désormais nécessaires à la recherche scientifique comme au contrôle des processus industriels. Dans nombre de disciplines, les laboratoires sont impuissants s'ils sont privés d'auxiliaires électroniques. L'industrie doit de plus en plus souvent confier la marche de ses usines à des machines coordinatrices et régulatrices.