Gabon (suite)
L’Ogooué (1 200 km), qui prend naissance au Congo vers 800 m d’altitude, a un cours supérieur très accidenté et en pente forte. En aval de Franceville, il décrit une vaste boucle au cours de laquelle son lit se resserre plusieurs fois (« portes de l’Okanda » : 100 m de largeur). Dans le bassin côtier, il se divise en multiples bras reliés à des lacs peu profonds, puis construit un vaste delta maritime où s’est trouvée englobée l’île de Mandji (site de Port-Gentil). Son régime passe par deux maximums, en novembre (7 000 m3/s) et en mai (6 500 m3/s) ; l’étiage est en août-septembre (2 000 m3/s), mais le débit de crue peut dépasser 13 000 m3/s. La navigation permanente cesse à N’Djolé.
P. V.
L’histoire
La mise en place des populations
Quelques trouvailles préhistoriques et le caractère presque partout secondaire de la forêt gabonaise attestent l’ancienneté de la présence humaine. Mais, jusqu’au xixe s., l’histoire du Gabon est une mosaïque des traditions des ethnies de chasseurs, de pêcheurs et d’agriculteurs itinérants qui se sont installés dans la forêt sous la conduite des Pygmées, suivant eux-mêmes les trouées des éléphants ; traditions du reste peu anciennes, du fait de l’absence d’organisations étatiques.
• Les groupes côtiers. Les Mpongwés, de langue myènè, étaient déjà installés sur les rives du golfe du Gabon à l’arrivée des Portugais au xve s. ; leur provenance est inconnue. Les Oroungous, de la région de Port-Gentil, seraient venus il y a quatre siècles de la N’Gounié ; ils ont adopté la langue myènè. Les N’Komis, du Fernan Vaz, quittèrent les abords du lac Ezanga avant la venue des Portugais, dont ils furent les premiers fournisseurs d’esclaves. Les Loumbous, venus de la région de Pointe-Noire dans la lagune de Setté-Cama, délaissèrent le commerce du sel au profit de la traite négrière.
• La vallée de l’Ogooué. Les Galoas, en provenance du Fernan Vaz, s’installèrent dans la région de Lambaréné au début du xixe s. Les Fangs (Pahouins, Ossyébas), l’ethnie la plus nombreuse du Gabon, venant du Cameroun, se sont répandus sur tout le nord du pays au xixe s., dispersant les chasseurs akélés ; eux-mêmes hardis chasseurs d’éléphants, ils se livraient à d’incessantes batailles entre clans et eurent maintes fois maille à partir avec les colonisateurs français. Les Okandas, pêcheurs descendus de l’Ivindo dans le moyen fleuve, seront pour les explorateurs des pagayeurs recherchés. Les Shakés se sont établis en amont de Booué, venant de l’est, à l’époque de Brazza. Les Doumas, piroguiers de la région de Lastoursville, sont venus du sud-est par la Sébé. Les Kotas, chassés du haut Ivindo par les Kwélés, ont occupé une bonne partie de la rive droite du haut Ogooué. Les M’Bambas (M’Bédés), du district de Franceville, semblent être originaires des plateaux Téké.
• Entre l’Ogooué et la côte. Les Echiras, délogés du bas Ogooué par les Akélés, ont reflué sur la N’Gounié. Les Pounous, aujourd’hui troisième groupe du Gabon, sont arrivés du bas Congo ou du Niari dans le bassin de la N’Gounié entre Mouila et Tchibanga. Les N’Jabis (Bandjabis), second groupe gabonais par le nombre, installés entre le haut Ogooué et la N’Gounié, sont venus du nord-est. Les Sangos, apparentés aux Echiras, ont des traditions d’origine qui les rapprochent des N’Jabis. Les Mitsogos, entre la N’Gounié et l’Ikoï, descendus de l’Ivindo par l’Ofoué, fournissaient de nombreux esclaves aux Akélés.
Le rôle de la France
• Les premiers contacts avec les Blancs. Les découvreurs portugais (1472-73) n’ont guère donné au Gabon que son nom (gabão = « caban », de la forme du golfe), quelques toponymes (cap Lopez, Fernan Vaz) et un nouveau et insatiable débouché pour le commerce des esclaves. Espagnols, Hollandais, Anglais, Français, Américains exploitèrent le même filon. Ouvert sur le monde par le biais de la traite négrière, dont les itinéraires sillonnaient presque tout le pays, le Gabon moderne est né de l’abolition de ce commerce : le 9 février 1839, un chef de clan mpongwé de la rive gauche de la rade du Gabon, Antchouwé Kowé Rapontchombo, le « roi Denis », signe avec le capitaine de vaisseau L. E. Bouet-Willaumez un traité autorisant un établissement français, dépôt de charbon pour la croisière contre la traite. En 1841, une concession est obtenue du « roi Louis » (Ré Dowé) sur la rive droite, jugée plus saine : un fort y est installé en 1843, et, en 1844, le P. Bessieux fonde la mission catholique (dès 1842 des presbytériens américains s’étaient installés à Baraka, à quelques kilomètres).
Libreville est fondée en 1849 avec une cargaison d’esclaves libérés, qui fourniront de la main-d’œuvre à l’établissement français. La souveraineté de la France s’étend de proche en proche par le biais de traités de « protectorat » (Como, Remboé, bas Ogooué, Fernan Vaz), tandis que le pays commence à être sillonné par les itinéraires des explorateurs : Paul Du Chaillu (bassin du Muni, N’Gounié, pays njabi, 1855-1865), Serval et F. Griffon du Bellay (delta de l’Ogooué, Remboé, 1862), A. Aymès (Fernan Vaz, bas Ogooué, 1867), Alfred Marche et Victor de Compiègne (Ogooué jusqu’à l’Ivindo, 1873-74), Oskar Lenz (jusqu’à la Sébé, 1874-75), Brazza*, Noël Ballay et Alfred Marche (haut Ogooué, Alima, 1875-1878).
• L’époque du partage. Le Gabon entre dans l’engrenage impérialiste quand Brazza*, parti en 1879 fonder des stations hospitalières pour le Comité français de l’Association internationale africaine (Franceville, 1880), acquiert l’emplacement d’un comptoir sur les bords du Stanley Pool (Brazzaville) ; c’est la compétition ouverte avec le roi des Belges. Soutenu par l’opinion publique française, Brazza est nommé en 1883 commissaire général de la République dans l’« Ouest africain » et placé à la tête d’une importante mission civile et militaire chargée d’établir des lignes de postes administratifs dans le vaste arrière-pays du comptoir de Libreville, étendu jusqu’au Congo.