Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

byzantin (Empire) (suite)

Ces plans savants, qui engendrent à l’intérieur tant de combinaisons subtiles et charmantes, représentent l’art de la renaissance byzantine des xe-xie s. et serviront de base, en particulier dans les Balkans, à l’architecture religieuse des siècles qui vont suivre. La plupart des monuments apparaîtront comme des dérivés des formes de cette époque, avec certes des recherches et des enrichissements, en particulier par l’introduction d’absides ou d’exèdres latérales, ou encore de narthex enveloppants successifs, comme à la cathédrale de Kiev*.


La crise iconoclaste

L’adoption du chrisme par Constantin, comme signe de la protection que le Christ accordait à l’empereur et à son armée, correspondait à une notion déjà archaïque du symbolisme paléochrétien. Au vie s., on constate, dans le chœur de San Vitale de Ravenne par exemple, l’équivalence de cinq manières d’évoquer le Christ Dieu : le chrisme constantinien, la croix, l’agneau, un buste du Christ jeune et imberbe, un buste du Christ âgé et barbu, toutes représentations triomphales, puisque placées dans des boucliers souvent portés par des anges. L’icône et le symbole apparaissent comme équivalents ; on ne saurait s’étonner de trouver, au revers des monnaies impériales de Constantinople, au viie s., tantôt des croix et tantôt des images du Christ, comme aussi, pour Justinien II, des bustes du Christ jeune ou âgé.

On est d’autant plus surpris de voir en 726 l’empereur Léon III détruire une image du Christ en mosaïque, qui se trouvait au-dessus de la porte de son palais, pour la remplacer par une croix. Et l’inscription reproche à l’image sacrifiée non pas de donner à Dieu la figure d’un homme, mais bien de n’y pas réussir, d’être « sans voix et privée de souffle ». La représentation de la croix, « le bois terrestre », lui apparaît comme plus efficace.

Il y a là le témoignage d’un changement profond de la piété impériale, qui doit avoir été accompagné d’une évolution de la piété populaire. La décision de l’empereur suffisait certes, bien qu’elle ait soulevé chez certaines personnalités ecclésiastiques une résistance passionnée qui finira par être victorieuse ; mais elle a tout de même été admise et, pendant cent ans, les empereurs iconoclastes empêcheront dans l’Empire la création de nouvelles images, faisant même détruire le décor iconographique des monuments antérieurs.

On peut sans doute retrouver dans une telle attitude un souvenir — ou même une influence directe — des traditions juives. Plus encore, on peut croire à une influence de l’islām, dont à la même époque la doctrine aniconique se développe et se précise. Certains évêques, certains chrétiens ont pu être impressionnés par cette exigence d’une religion rivale pour un culte « en esprit et en vérité ». Pourtant, saint Jean Damascène, en Syrie musulmane, est resté un apôtre ardent des images : sans doute y voyait-il une ligne de démarcation entre l’expression du divin dans les deux religions. Il faut croire à une nécessité profonde de la foi chez les ennemis des images, qui détruisaient non pas tant des œuvres d’art que des témoignages explicites de la piété de leurs pères. C’était essentiellement la crainte de l’idolâtrie.

Les iconoclastes, ayant exclu du décor des églises les évocations religieuses, leur ont substitué des motifs décoratifs, géométriques, végétaux ou animaux, des scènes de chasse et de pêche, voire des représentations de théâtre ou d’hippodrome ; ces dernières ont pu appartenir à des cycles impériaux, et on en trouve des exemples dans des églises antérieures à la crise, ou encore, au xie s., dans les escaliers de la cathédrale de Kiev. Les images impériales étaient conservées ; les iconodules reprocheront vivement aux empereurs iconoclastes d’avoir substitué leur culte à celui du Christ. Les représentations de la croix et le culte de la croix ont été maintenus : elle continue de figurer au moins sur certains revers des monnaies de l’époque. Pour imaginer le décor des églises, on peut évoquer celui des monuments omeyyades contemporains, comme la mosquée de Damas ou la coupole du Rocher de Jérusalem. Tous les décors de cette période ont en effet disparu ; pour les exécuter, on avait détruit les images qui illustraient les murs de l’époque précédente, c’est dire la lacune profonde qui règne dans l’histoire de l’art figuré de Byzance.


La nouvelle iconographie

En 843, l’impératrice régente Théodora décida de rétablir les images. Elle prit l’accord du patriarche et commença par replacer une image du Christ à la porte du palais, sans en écarter la croix. Cet événement est considéré par l’église orthodoxe comme une date capitale ; on la célèbre encore de nos jours comme la « Victoire de l’Orthodoxie ». Aussitôt, on se mit à réinstaller des icônes et à figurer de nouveau des scènes religieuses dans les absides et sur les murs des églises. On verra très vite réapparaître, au revers des monnaies et sur les sceaux, des images du Christ et de la Vierge. Et, dans l’art monumental, la liaison entre les images du Christ et de l’empereur va être un des thèmes les plus caractéristiques du nouveau décor de Sainte-Sophie. On y verra, prosternés, les empereurs du passé — Constantin et Justinien — et ceux du présent, l’un après l’autre, demandant au Christ et à la Vierge leur protection. Dans certains psautiers illustrés, les miniatures racontent même des épisodes de la lutte.

C’est l’incarnation du Christ qui permet de représenter sous ses traits humains la seconde personne de la Trinité. Elle est en quelque sorte renouvelée par des images. Et les saints aussi sont rendus présents. C’est ainsi que, définitivement, les icônes vont prendre dans l’église orthodoxe la place caractéristique qu’elles occupent. L’iconostase, clôture qui sépare de la foule des fidèles le prêtre célébrant les mystères, est comme revêtue d’images, dont chacune a droit à son culte particulier.

De même, les représentations qui illustrent les parois des églises, selon des cycles qui vont vite être définis et fixés, prendront une valeur religieuse telle qu’il sera impossible de les modifier. Leur valeur d’évocation, leur efficacité seront liées à leur fidélité au modèle. C’est la raison d’être de l’iconographie byzantine.