Faits divers
La montée de la violence
C'est une triste réalité : partout dans le monde, des hommes de plus en plus nombreux, sans distinction de race ou de classe sociale, mettent la violence au service de leurs causes, de leurs ambitions ou de leurs haines. Il est bien loin le temps où l'on fustigeait par le pamphlet. Aujourd'hui, on fait sauter au plastic.
Bilan des six derniers mois de 1982, en France : 21 tués, une centaine de blessés, des millions de dégâts. Tragique gâchis du terrorisme politique issu des conflits internationaux, du racisme latent, mais aussi de simples manifestations de la violence gratuite qui caractérise notre société.
Rien qu'entre le 20 juillet et le 17 septembre, en deux mois, 20 attentats ont fait, à Paris, 10 morts et plus de 50 blessés. Ils visaient des israélites, des Arabes, des Américains, des hommes politiques, des journalistes. Ils ont atteint des hommes, des femmes et des enfants, pour la plupart étrangers aux passions qui animaient leurs agresseurs.
Rue des Rosiers
C'est le 9 août 1982 que se déroule, rue des Rosiers, un attentat que la communauté juive de Paris, déjà si durement atteinte par le drame de la rue Copernic (Journal de l'année 1980-81), va ressentir cruellement. Il est 13 h 30. Un commando de quatre ou cinq hommes ouvre le feu sur les passants, dans cette petite rue qui est le cœur du quartier juif de Paris. Les tueurs pénètrent dans le restaurant Goldenberg, établissement très connu et fréquenté par une clientèle qui n'est pas seulement Israélite. Les terroristes tirent au pistolet-mitrailleur sur les clients et le personnel ; une grenade éclate. L'horreur va durer quelques minutes. Lorsque les secours arrivent, les assassins se sont enfuis. À terre, il y a 6 morts, dont le serveur musulman du restaurant, et 22 blessés, dont 2 grièvement atteints.
Le lendemain de l'attentat, une vague d'émotion et de colère soulève la communauté israélite, qui organise une manifestation devant l'ambassade d'Israël. Certains manifestants accusent les médias et même le gouvernement français d'être partiellement responsables de l'attentat. Par leur prise de position en faveur de l'OLP, dans la guerre du Liban, estiment les manifestants, ils ont renforcé, encouragé le racisme anti-juif. Des journalistes de télévision venus rendre compte de la manifestation sont pris à partie, des noms d'hommes politiques hués.
Le lendemain, une foule énorme se presse aux abords de la synagogue où a lieu un office religieux à la mémoire des victimes, en présence de nombreuses personnalités, dont Pierre Mauroy, Robert Badinter, Jacques Chirac, Simone Veil et Mgr Lustiger, archevêque de Paris. La cérémonie se prolonge par une veillée devant le mémorial du martyr juif inconnu.
Les enquêteurs, se basant sur les douilles retrouvées sur les lieux, identifient le pistolet-mitrailleur des tueurs : un WZ 63, une arme polonaise ; la grenade serait tchèque ; des armes de ce type ont servi pour des attentats en Angleterre et en Autriche. Mais qui est l'instigateur de l'attentat, qu'aucun mouvement n'a revendiqué ? Selon le ministre de l'Intérieur Gaston Defferre, c'est Abou Nidal et son groupe de Palestiniens dissident de l'OLP. Abou Nidal, un fanatique qui a un jour défini son rêve en ces termes : créer « un État démocratique séculier – une Palestine purement arabe – sans Juifs ».
11 août : les victimes de la rue des Rosiers sont à peine inhumées qu'un nouvel attentat a lieu à Paris. Cette fois, la cible est arabe : l'ambassade d'Iraq, rue du Général-Appert. En fin d'après-midi, une Estafette s'arrête au milieu de la rue. Un homme descend, s'enfuit : la voiture saute. Par chance, il n'y aura pas de morts ; seulement cinq blessés légers et des dégâts matériels.
Ce même jour, un engin explose peu après minuit, rue de la Baume, devant un immeuble abritant une société d'importation d'agrumes israélienne. Une passante est grièvement blessée. Une inscription incite à faire attribuer l'attentat au mouvement Action directe.
19 août : une explosion endommage les locaux de l'hebdomadaire de droite Minute. Aucune victime. L'opération est revendiquée par Action directe.
Droit d'asile
La multiplication des attentats remet à l'ordre du jour l'urgence de la lutte antiterroriste, problème qui divise les socialistes : la tendance Defferre s'opposant à celle de Badinter. Le ministre de l'Intérieur veut la liberté d'action pour remplir ses fonctions, le garde des Sceaux refuse toute restriction aux libertés, notamment à celles touchant le fameux droit d'asile, dont certains de nos visiteurs ont pourtant largement abusé.