Le succès des deux fils de l'ancien président George Bush, George W. au Texas et Jeb en Floride, confirme le besoin d'une force de rassemblement. Ainsi le « clan Bush » peut-il prendre une position très favorable pour les élections présidentielles de 2000 et laisse-t-il peu de chances à M. Dan Quayle, vice-président de leur père. Le nouveau slogan de « conservatisme compatissant » pourrait constituer une synthèse acceptable pour le parti, car il devient indispensable de rallier de nouvelles couches sociales dans un pays où le taux d'immigration reste élevé. Très soucieuse d'intégration, profondément catholique, l'immigration hispanique constitue un enjeu majeur, accessible aux républicains pour autant que ceux-ci n'érigent pas en principe le rejet des wetbacks.

Le vote féminin, juif, noir et syndicaliste est resté favorable aux démocrates. D'autant plus que les républicains n'étaient pas capables d'attirer ces suffrages. Les femmes n'ont pas voté Clinton mais démocrate, parce que les positions des républicains sur des questions aussi essentielles aux États-Unis que le droit à l'avortement ne peuvent les satisfaire. En octobre 1998, au plus fort du scandale Lewinsky, les organisations de femmes ont pris la décision de repousser les avances des républicains. Ce fut un tournant essentiel. Le vote féminin a été également guidé par l'habile comportement de Mme Clinton qui, dans l'adversité, aura porté avec une certaine dignité une évidente humiliation, s'attirant la sympathie de nombreuses électrices dont le vote s'est reporté sur les candidats démocrates (et non vers Bill Clinton). Cela indique que la politique menée par le Président dépasse complètement l'homme lui-même.

Les électeurs ont-ils blanchi le Président ?

En Europe, et pour partie aux États-Unis, la plupart des analystes concluent rapidement que ce fut un vote de confiance à Clinton et un désaveu de l'intransigeance des républicains à poursuivre la procédure de destitution d'un président populaire. Rien n'est moins sûr. Les sondages postélectoraux indiquent que les électeurs dissocient nettement l'enjeu électoral et la situation du Président. Curieusement, la presse se refuse à entendre ce message. Les chroniqueurs et les médias persistent à interpréter ce vote en faveur du Président. Ce hiatus n'est pas sans intérêt puisque, auparavant déjà, un désaccord de fait était apparu entre les médias et l'opinion. Il reste que les républicains contrôlent toujours les deux Chambres. Ils entendent bien désormais accélérer la procédure d'examen pour savoir s'il y a lieu ou non de prononcer l'impeachment contre le président Clinton. La majorité de l'opinion a toujours déclaré qu'elle n'était pas favorable à une destitution. Mais ce n'est pas en fonction de cela que les électeurs se sont prononcés. L'incapacité des républicains à construire un programme cohérent correspondant à l'évolution de la société américaine reste l'explication fondamentale de leur échec. La volonté de briser Clinton ne pouvait suffisamment rassembler.

Un camouflet pour les républicains

Les conséquences de l'échec des républicains ont été rapides. Newt Gingrich, idéologue du parti, a dû céder son poste de speaker à Robert Livingston. Ainsi s'éloigne la figure de proue de la « révolution conservatrice » de 1994. Très contesté, Gingrich était hautement apprécié pour ses capacités à trouver des financements. Son retrait de la vie politique risque de coûter fort cher, au sens propre, au Parti républicain.

Faisant de nécessité vertu, le futur speaker de la Chambre s'est déclaré prêt à favoriser une ligne de consensus au Congrès. Pourtant, dans bien des domaines, notamment en matière de politique étrangère et de défense, on l'a vu en pointe pour soutenir et promouvoir des positions très agressives.

M. Livingston devra aussi faire oublier ses excès de langage de 1995 lors du blocage du budget et de la mise en panne de l'administration fédérale. S'il maintient ses traditionnelles positions militaristes, il risque d'être perçu comme un adversaire du sacro-saint équilibre budgétaire et un perturbateur inopportun de l'arrangeante diplomatie américaine. Les républicains prennent en compte leur échec. Au regard de l'opinion, ils se doivent de démontrer un profond changement. Plus concrètement dans les Chambres, il leur faut aussi tenir compte d'une sorte de rééquilibrage au centre, c'est-à-dire vers un gouvernement plus consensuel puisque le rêve d'une majorité absolue des 2/3 s'est durablement évanoui.