Journal de l'année Édition 1996 1996Éd. 1996

Les Springboks ne partaient pourtant pas favoris de cette finale qui les opposait à des Néo-Zélandais irrésistibles depuis le début de la compétition. Ces derniers avaient survolé leur groupe du premier tour avant de surclasser l'Angleterre en demi-finale (45-29). Ils avaient su développer un rugby total, offensif, spectaculaire, utilisant à merveille leur phénoménal ailier Jonah Lomu (1,95 m, 118 kg).

De leur côté, les Sud-Africains, soutenus par un public passionné et connaisseur, composé quasi-exclusivement de Blancs, avaient enchaîné les victoires mais sans se montrer aussi impressionnants que les All Blacks. Pourtant, leur succès contre les champions du monde australiens dès le match d'ouverture avait mis la puce à l'oreille. Pour leur grand retour, les Springboks ne seraient pas faciles à manœuvrer. La suite allait le confirmer. En demi-finale, cependant, ils ont frôlé la défaite contre l'équipe de France. À Durban, sous une pluie battante, les Sud-Africains ne s'imposaient que de quatre points (19-15), non sans avoir tremblé dans les dernières minutes. En finale, les coéquipiers de Chester Williams, le seul Noir de l'équipe, ont su trouver et adopter la tactique payante. En isolant Lomu, en exerçant une pression défensive terrible sur les Néo-Zélandais, ils ont privé de ballon leurs adversaires. La qualité de leur jeu au pied, ajoutée à une formidable volonté, a fait la différence dans les prolongations.

Cette troisième Coupe du monde a donc confirmé la suprématie des pays de l'hémisphère Sud, qui remportent le trophée pour la troisième fois. Ayant opté depuis plusieurs années pour le professionnalisme, ces nations ont mis à la disposition de leurs joueurs des conditions d'entraînement inégalées et développé des compétitions de provinces, tremplins idéals pour les joutes internationales.

Les « petites » nations ont pu mesurer quant à elles l'immense fossé qui les sépare toujours des meilleurs. Les Japonais ont encaissé 145 points et 21 essais contre les Néo-Zélandais ; la Côte d'Ivoire 89 points contre l'Écosse. Premier pays d'Afrique francophone à disputer la Coupe du monde, les Ivoiriens ont vécu un drame lors du match contre le Tonga. Après un choc violent, leur ailier Max Brito était victime d'une grave blessure à la moelle épinière. Il restera paralysé à vie.

Le XV de France a réussi une Coupe du monde honorable. Après des débuts chaotiques dans un groupe pourtant facile, il a su monter en puissance au fil de la compétition. S'appuyant sur un pack très performant et sur un buteur, Thierry Lacroix, en état de grâce, les Bleus sont passés tout près de l'exploit en demi-finale. Leur victoire pour la troisième place contre l'Angleterre, la première depuis sept ans, a constitué un lot de consolation appréciable. Trois mois après la Coupe du monde, l'entraîneur français, Pierre Berbizier, en désaccord avec le président de la Fédération, Bernard Lapasset, démissionnait. Sous sa houlette, le XV de Fiance a battu toutes les grandes nations du rugby. En trois ans, Berbizier a su redonner une crédibilité au rugby national, notamment dans les domaines de la discipline et de la préparation physique. Même si le jeu pratiqué n'a pas toujours été à la hauteur de ses ambitions. Le 19 septembre, l'ancien international et ancien entraîneur du Stade Toulousain Jean-Claude Skrela lui succédait.

En fin de saison, l'équipe de France remportait la première Coupe latine et parvenait à dominer les Néo-Zélandais à Toulouse (22-15). Une semaine plus tard, à Paris, la réplique était cinglante. Les All Blacks, au sommet de leur art, infligeaient aux coéquipiers de Philippe Saint-André une très lourde défaite : 37 à 12. Le même jour, à Twickenham, les Springboks s'imposaient contre l'Angleterre 24-14. La finale de la Coupe du monde avait bien opposé les deux meilleures équipes de la planète.

En début d'année, l'Angleterre avait enlevé le tournoi des Cinq Nations en réussissant le grand chelem (quatre victoires en quatre matches), son troisième en cinq ans. Surclassée à Twickenham (31-12) et battue par l'Écosse à Paris, l'équipe de France n'a pas brillé dans ce tournoi 95.