Journal de l'année Édition 1996 1996Éd. 1996

Disciplines

Athlétisme

Le mouvement est enclenché, le témoin en passe d'être définitivement transmis. Les 5es Championnats du monde d'athlétisme ont confirmé l'avènement d'une génération de nouveaux champions, aux dépens des anciennes étoiles de la piste.

À l'exception notable de l'Ukrainien Sergueï Bubka (le perchiste a remporté à Göteborg son 5e titre mondial), tous les glorieux trentenaires, dont l'incroyable longévité semblait vouloir contrarier les lois de la nature, ont finalement découvert les limites de leur corps vieillissant. Carl Lewis, blessé et donc absent, Linford Christie, échoué au pied du podium du 100 m messieurs, Mike Powell, Jackie Joyner-Kersee, Heike Dreschler, pour ne citer que les dinosaures, ont montré d'évidents signes de fatigue, voire de déclin.

Le fer de lance de l'athlétisme post-Carl Lewis court comme un personnage de Tex Avery, le torse bombé et la tête droite pendant que les jambes font des moulinets. Mais il court vite. Très vite. L'Américain Michael Johnson restera l'homme des Championnats de Göteborg. Il a réussi là où tous les autres avaient échoué : remporter le 200 m et le 400 m, deux distances difficilement conciliables sur le tartan. Johnson a affolé le chronomètre (19″ 79 sur 200 m, 43″ 39 sur 400 m) et s'est offert une troisième médaille d'or avec ses coéquipiers du relais 4 × 400 m américain.

À l'heure des bilans, un seul athlète peut oser lui voler la vedette. Mais Jonathan Edwards ne le fera pas, il est bien trop modeste ! Le Britannique, dévot des stades, est devenu le premier homme à franchir au triple saut la « barrière » des 18 mètres. Sur le sautoir de l'Ullevi Stadium, il a battu à deux reprises le record du monde de la spécialité : 18,16 m, puis 18,29 m. Trois « petits » pas pour l'homme, un bond de géant pour l'athlétisme.

La nouvelle hiérarchie mondiale apparaît toutefois très fragile dans certaines disciplines. Impossible par exemple de parier sur le long terme à propos de la domination surprise des Canadiens dans le 100 m (1er : Bailey, 2e : Surin). La 3e place, toujours sur 100 m, du sprinter de Trinité-et-Tobago Ato Boldon n'est guère plus significative. En revanche, elle montre bien à quel point le planisphère athlétique a été redessiné. Les Caraïbes font d'ailleurs une entrée remarquée dans le gotha. Cuba et la Jamaïque sont rejoints sur les podiums par les Bahamas, les Bermudes et la Dominique, sans oublier Trinité-et-Tobago. Avec seize médailles (huit de plus qu'aux précédents Championnats du monde), cette région tropicale au large de la Floride récolte enfin les fruits de sa pépinière de talents. Le Britannique Linford Christie, les Canadiens Donavan Bailey, Bruni Surin, la Française Marie-José Pérec, et beaucoup d'autres, ne sont-ils pas originaires des Caraïbes ?

De manière plus générale, Göteborg 95 a confirmé la mondialisation du premier sport olympique. Un phénomène déjà observé à Stuttgart, en 1993. En Suède, un record a toutefois été battu, celui du nombre de pays récompensés (43). Malgré un léger fléchissement de ses performances, peut-être dû en partie au déficit d'intérêt du public aux États-Unis, l'athlétisme américain ne perd pas la tête au classement par médailles (19, dont 12 d'or). La Biélorussie, grâce à ses lanceurs, termine en deuxième position mais loin derrière les États-Unis (7 médailles, dont 2 d'or). La mère Russie n'est que 11e (12 podiums, mais une seule première marche).

Grande puissance du fond et du demi-fond, l'Afrique a su tenir son rang malgré la baisse de régime de l'athlétisme kenyan. Les athlètes des hauts plateaux avaient remporté 10 médailles à Stuttgart. À Göteborg, leur compteur est resté bloqué à 6. Il faut dire qu'en début de saison l'élite kenyane s'est dépensée sans compter en écumant les meetings, épreuves moins prestigieuses que les Championnats du monde mais beaucoup plus lucratives. Les pays du Maghreb (le Maroc : 4 médailles ; l'Algérie : 2 titres) ont pallié en partie les défaillances du Kenya. Quoi qu'il en soit, le continent africain abrite toujours les plus belles merveilles du fond et du demi-fond. En 1995, L'Algérien Noureddine Morceli a amélioré son propre record du monde du 1 500 m (3′ 27″ 37) et l'Éthiopien Haile Gebreselassie a raflé ceux du 5 000 et du 10 000 m (12′ 44″ 39 et 26′ 43″ 53). Des performances d'un autre monde.