Ce sont pourtant les États-Unis qui vont tirer bénéfice de cette nouvelle détermination française. Car si la France n'a cessé de réclamer une implication accrue de Washington dans l'affaire bosniaque, l'engagement tardif mais massif de la diplomatie américaine, efficacement conduite par le négociateur Richard Holbrooke, a pour effet de marginaliser l'action de la France. Ainsi débutent en novembre, sur la base aérienne de Dayton (Ohio), les négociations tripartites (Slobodan Milosevic, Franjo Tudjman, Alija Izetbegovic) qui aboutissent, le 21, à une nouvelle configuration de la Bosnie. Même si elle constate que les débats ont été dominés par les Américains, la France obtient cependant que la signature définitive des accords de paix se fasse à Paris en décembre. Elle se voit également confier le contrôle militaire de la région de Sarajevo. Le général Jean-René Bachelet, commandant des forces de la Forpronu la région, fait alors savoir publiquement son trouble, jugeant que les accords de Dayton posent autant de problèmes qu'ils en résolvent, qu'ils servent d'abord la campagne électorale de Bill Clinton et qu'ils ont pour effet d'exposer particulièrement les troupes françaises dans Sarajevo, où les Serbes ne veulent pas rendre aux Mulsulmans les quartiers qu'ils occupent. Les autorités françaises désavouent le général Bachelet, mais font savoir, par la voix de Jacques Chirac lui-même, qu'elles souhaitent lever les « ambiguïtés » que recèlent les accords de Dayton. Une nouvelle fois, on assiste à une tension entre Paris et Washington.

Le 14 décembre, MM. Izetbegovic, Milosevic et Tudjman se retrouvent à Paris pour signer de façon solennelle l'accord paraphé à Dayton. La cérémonie se déroule en présence de MM. Chirac, Clinton, Gonzalez, Kohl, Major et Tchernomyrdine, et d'une quarantaine de ministres des Affaires étrangères (notamment des pays islamiques) et de représentants des grandes organisations internationales. À partir du 19, la force de maintien de la paix (IFOR) se met en place sur le terrain et prend le relais de la Forpronu.

La reprise des essais nucléaires

Évoquée lors de la campagne présidentielle, annoncée officiellement le 13 juin, la reprise « limitée » des essais nucléaires dans le Pacifique, après plus de trois années de moratoire, est confirmée dès septembre par un premier tir sur l'atoll de Mururoa. Ce geste « gaullien » suscite dans le monde une vague de protestations dont l'Élysée a, de toute évidence, sous-estimé l'étendue et la virulence. S'il convient de relever le soutien compréhensif du Royaume-Uni et la discrétion des États-Unis comme de l'Allemagne, les réactions sont nettement hostiles au Japon (où l'on commémore le cinquantenaire d'Hiroshima) et plus encore dans le Pacifique sud. Les arguments techniques avancés par Paris, pas plus que la promesse d'un ralliement ultérieur à une interdiction générale de tous les essais nucléaires dans le monde, ne suffisent à désarmer l'hostilité des opinions publiques et, partant, des gouvernements d'Australie et de Nouvelle-Zélande. Sans être négligeables, les menaces de représailles économiques sont en fait moins à craindre que l'installation d'une mésentente durable dans une région aux potentialités économiques considérables, mais où les relations entre la France et ses partenaires n'ont jamais été faciles. Par ailleurs, la proposition quelque peu laborieuse d'arrimer la force de frappe française (ainsi parvenue à son dernier stade de perfectionnement) à une éventuelle dissuasion européenne n'a suscité, à l'exception de Londres, que des réactions négatives.

L'Algérie

Les relations cordiales et très personnalisées avec le Maroc et la Tunisie, illustrées par les voyages de Jacques Chirac à Rabat et à Tunis, contrastent avec le caractère tendu des rapports franco-algériens. Ce n'est pas en soi chose nouvelle, même si la France s'est toujours appliquée à maintenir un niveau élevé de coopération, à plaider le dossier de la dette algérienne auprès des organismes internationaux et, plus récemment, à maintenir l'Hexagone à l'écart des affrontements qui ensanglantent l'Algérie depuis 1992.