Politique extérieure

Dès son élection à la présidence de la République, Jacques Chirac imprime sa marque à la diplomatie française : si la création d'une force multinationale de réaction rapide (FRR) réussit à rompre l'attentisme en ex-Yougoslavie, la décision de reprendre les essais nucléaires dans le Pacifique est en revanche mal reçue par la communauté internationale.

Avant l'échéance présidentielle

Au début de l'année, l'échéance de mai 1995 pèse sur les capacités d'initiative de la diplomatie française. À la cohabitation droite-gauche héritée des élections législatives de mars 1993 s'ajoute la rivalité croissante entre Édouard Balladur et Jacques Chirac, qui place le ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, dans une situation souvent inconfortable.

Dans le domaine européen, alors que la France préside pour six mois aux destinées de l'Union européenne (elle-même élargie à trois nouveaux membres : l'Autriche, la Suède, la Finlande), Paris s'en tient à des objectifs limités. La volonté de passer à la monnaie unique « si possible dès 1997 » est affirmée à plusieurs reprises, sans toujours convaincre. L'application de la convention de Schengen est encore différée, alors qu'elle est effective fin mars 1995 dans sept États de l'Union. Elle marque la première étape d'un « espace européen » où les personnes se déplaceront librement. La réunion à Paris, le 20 mars, des 52 pays de l'OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) dans le cadre de la conférence sur la stabilité en Europe, projet lancé deux ans plus tôt par É. Balladur, s'achève sur une série de vœux pieux relatifs à la consolidation des frontières et à la protection des minorités dans l'Est européen. À l'unisson du reste de l'Europe, la France ne veut voir dans la guerre qui se déroule en Tchétchénie qu'un problème interne à la Russie.

S'agissant de la Bosnie et de l'Algérie, les initiatives demeurent sans lendemain. En Bosnie, où le général Bernard Janvier succède en mars au général Bertrand de Lapresle à la tête de la Forpronu, la mort de deux Casques bleus français à Sarajevo, le 14 avril, fait un temps planer la menace d'un retrait des troupes françaises. Une proposition d'Alain Juppé, appuyée par l'Union européenne, de réunir une conférence internationale sur l'ex-Yougoslavie est rejetée par le gouvernement de Sarajevo comme par le président serbe Slobodan Milosevic. Début février, François Mitterrand suggère de son propre chef une initiative européenne en vue d'un dispositif d'aide massive à l'Algérie, à laquelle il conviendrait d'associer l'ensemble des partis algériens (FIS compris) favorables à une reprise du processus démocratique. Cette ouverture en direction de l'opposition algérienne, qui s'était réunie à Rome fin 1994 en vue d'une « offre de paix », se heurte au refus sans appel du gouvernement algérien ainsi qu'à la désapprobation explicite du ministre de l'Intérieur français, Charles Pasqua.

Une réorientation de la politique extérieure

Dominée par les problèmes économiques et sociaux, la campagne présidentielle a dans l'ensemble peu abordé les questions de politique extérieure. Si Édouard Balladur s'est posé en partisan de la continuité, le camp de Jacques Chirac s'est révélé passablement divisé, notamment sur l'opportunité d'appliquer les accords de Schengen et sur l'objectif de la monnaie européenne unique.

Vainqueur au second tour, le 7 mai, Jacques Chirac désigne Alain Juppé comme Premier ministre. Son gouvernement est formé le 19, avec le giscardien Hervé de Charette aux Affaires étrangères et les RPR Jacques Godfrain et Michel Barnier comme ministres délégués, respectivement à la Coopération et aux Affaires européennes (tous trois gardant leurs attributions après le remaniement ministériel de novembre).

La cohabitation étant close, la diplomatie française est ostensiblement transférée du Quai d'Orsay à l'Élysée. Le nouveau président se veut l'héritier de la grande tradition gaullienne faite de prestige et d'indépendance nationale. Il entend privilégier aussi les contacts directs avec les grands décideurs, au détriment des circuits diplomatiques classiques. D'où une franchise de ton qui a pu passer parfois pour de la précipitation et de l'arrogance. Les premiers mois de sa politique extérieure suscitent, parfois injustement, aigreur et scepticisme.

La Bosnie

Ainsi, la détermination affichée en Bosnie tranche heureusement sur les demi-mesures et les hésitations de la seconde présidence Mitterrand. Les Serbes de Bosnie avaient multiplié à l'envi les gestes de défi à la communauté internationale : recrudescence des bombardements sur Sarajevo, bombardement intensif des « zones de sécurité » de Tuzla (mai), de Srebrenica et de Zepa (juillet), capture de 377 Casques bleus et observateurs internationaux utilisés comme boucliers humains sur divers sites stratégiques, ultimatum aux forces de l'ONU pour leur faire évacuer Gorazde (juillet). Entre-temps, ayant clairement désigné l'agresseur serbe, la France a proposé aux ministres de la Défense des pays de l'OTAN et de l'Union européenne, réunis à Paris le 3 juin, la constitution d'une force multinationale de réaction rapide (FRR) destinée à appuyer les Casques bleus en Bosnie. Cette proposition est entérinée le 16 par le Conseil de sécurité. Les offensives bosno-serbes contre Srebrenica et Zepa conduisent à un premier déploiement de la FRR fin juillet. Encouragés par la fermeté occidentale, les Croates reprennent l'avantage en Krajina, tandis que les forces bosniaques parviennent à briser le blocus de Bihac. Le renversement de tendance se confirme fin août quand, en réponse à un nouveau carnage perpétré à Sarajevo, les Occidentaux, dans une démonstration de force sans précédent, lancent dans la nuit du 29 au 30 une vaste opération contre les positions serbes, combinant pour la première fois les frappes aériennes de l'OTAN et l'artillerie lourde de la FRR. Les Serbes de Bosnie sont dès lors contraints de desserrer l'étau autour de Sarajevo et de se rallier aux propositions « conciliantes » de Slobodan Milosevic, qui négociera désormais en leur nom.