Le « Vive le Québec libre ! » lancé par le président de Gaulle à Montréal en 1967 ne fit que renforcer la résistance québécoise à la suprématie fédérale. Finalement, il aura fallu attendre les années 80 pour que la décrue nationaliste au Québec, conjuguée à plus de tolérance politique et culturelle à Ottawa, permette partout la présence internationale « presque à égalité » des deux entités et que puisse ainsi se tenir, dans la capitale française, en 1986, le premier sommet des « pays ayant en commun l'usage du français ».

Entre-temps, la France avait peu à peu organisé chez elle la francophonie et la promotion de la langue française : dès 1966, Georges Pompidou, Premier ministre de Charles de Gaulle, avait fondé un Haut Comité de la langue française, que le président François Mitterrand, dix-huit ans plus tard, transformera en Commissariat général de la langue française en le confiant à Philippe de Saint-Robert, personnalité gaulliste indépendante. Devenu Premier ministre en 1986, Jacques Chirac nommera à ce poste un de ses proches, l'énarque Bernard Billaud.

La loi 101 du Québec

Créé notamment pour promouvoir la langue française en France même et servir de « pilote » à l'extérieur, le Haut Comité puis Commissariat général de la langue française n'a jamais pu vraiment « décoller » car, en dépit de manifestations d'intention, les gouvernements français successifs ne lui ont à aucun moment attribué un budget suffisant (en moyenne quatorze millions de francs ces dernières années). Dans le prolongement de l'action qu'aurait pu mener cette instance ont été toutefois créées en 1972 les commissions ministérielles autonomes de terminologie, qui, en général, n'interviennent sur le « marché néologique » que lorsque les emprunts à l'anglo-américain sont déjà passés dans l'usage... D'où leur relative inutilité et celle de la loi Bas-Lauriol de 1972 sur l'utilisation du français en France (médias, publicité, etc.) ; cette loi a été d'autant moins respectée que Raymond Barre, alors Premier ministre, limita de lui-même son champ d'action...

En revanche, la loi linguistique no 101 sur l'emploi du français au Québec, édictée en août 1977 pour « faire du français la seule langue officielle de la Belle Province et rendre à celle-ci son visage français », a eu des résultats incontestables : en moins de dix ans, Montréal est devenu la deuxième grande cité francophone du monde. Les premières entorses sérieuses à la loi 101, principalement dans l'affichage, ont commencé à être enregistrées après 1985 mais, pour l'essentiel, le texte continue d'être appliqué, garantissant la pérennité linguistique et culturelle de l'identité canadienne-française.

Le septennat de François Mitterrand a vu se multiplier les déclarations et initiatives en faveur de la francophonie, le président de la République s'avouant publiquement « passionné » par cette idée. Il a donc créé en 1984 un Haut Conseil de la francophonie, dont le secrétaire général est un ancien enseignant socialiste, Stélio Farandjis. Cet organisme de droit interne français est présidé par le chef de l'État, assisté actuellement par Léopold Sédar Senghor, et se veut « la vitrine internationale du monde parlant français ». En font partie une trentaine de personnalités nommées intuitu personae et allant du chanteur camerounais Francis Bebey au romancier marocain Tahar Ben Jelloun en passant par les cinéastes Euzhan Palcy (Antilles françaises) et Youssef Chahine (Égypte), le prix Nobel de chimie belge d'origine russe Ilya Prigogine, Philippe Decraene, ancien rédacteur au Monde, Cu Huy Can, député vietnamien, l'historien et académicien Alain Decaux, le journaliste québécois Jean-Louis Roy, actuellement délégué général du Québec à Paris, etc.

Un secrétariat d'État démuni

Cependant, le rôle du Haut Conseil de la francophonie est essentiellement consultatif et représentatif ; il ne dispose pas, lui non plus, de fonds suffisants pour développer une action d'envergure. Son rapport annuel constitue néanmoins un bon baromètre de l'« état de la francophonie dans le monde ».