En vérité, peu importe de savoir si Orwell fut un prophète et s'il annonce pour nous faire trembler « le meilleur des mondes » à la manière d'Aldous Huxley ou « l'avenir radieux » plus récemment stigmatisé par les dissidents russes. Non, on ne saurait demander à un homme de littérature, si engagé qu'il fût dans l'action politique, de prédire et d'annoncer. Le monde de 1984 ne peut se lire dans 1984 : George Orwell en personne n'y pensait pas, lui qui avait seulement interverti les derniers chiffres de 1948, l'année même où il écrivait le roman qui a marqué sans doute le plus les lecteurs de cette seconde moitié du xxe siècle. L'essentiel — et cela suffit à justifier le succès de la fiction —, c'est que 1984 reflète les mécanismes à l'œuvre dans nos sociétés et la tendance au totalitarisme qui, de nature, constitue une des formes permanentes de la philosophie et de la pratique politiques. Mais il faut aussi se garder d'oublier que cet auteur écrivant « un roman, non pas une attaque contre le socialisme ni contre le parti travailliste anglais... » rappelait aussi : « Je ne crois pas que la forme de société que j'ai décrite arrivera nécessairement, mais je crois qu'un phénomène de ce type pourrait arriver. »

Michel Tatu, le Monde et Robert Louit, le Magazine littéraire.

Outremer (DOM-TOM)

Les projets de statut d'autonomie, préparés par le nouveau secrétaire d'État aux DOM-TOM Georges Lemoine, et les encouragements fiscaux aux investissements outre-mer, prévus par le décret du 27 décembre 1983, sont destinés à désamorcer des tensions d'origine économique ou politique.

Seuls les départements et territoires africains de la France ne posent pas de problème : Mayotte, dont la population est très francophile, sera appelée à choisir son statut futur par référendum, en décembre 1984 ; et tous les partis réunionnais — hormis un groupuscule prolibyen — sont favorables au maintien de liens très étroits avec la métropole.

À Saint-Pierre-et-Miquelon et en Polynésie, en revanche, l'agitation sociale ne cesse de croître. Les grèves se sont succédé en 1983, notamment à cause des dévaluations du franc qui réduisent le niveau de vie des fonctionnaires.

La Nouvelle-Calédonie connaît des troubles sanglants. La majeure partie des Mélanésiens (41,7 % de la population en 1976) aspirent à l'indépendance. Mais la quasi-totalité des Caldoches d'origine européenne (38,1 %) et des Polynésiens (12 %) y sont hostiles. Toutes les parties en présence rejettent le projet de statut d'autonomie élaboré par Paris, qui prévoit la coexistence d'un haut-commissaire de la République et d'un gouvernement territorial dont le président serait élu par l'Assemblée territoriale.

L'année 1984 risque d'être marquée, à la Guadeloupe, à la Martinique et en Guyane, par les attentats de la mystérieuse Alliance révolutionnaire caraïbe (indépendantiste) qui a déjà spectaculairement sévi dans les Antilles et en métropole, en mai et en août 1983.

Présidentielle (États-Unis)

La campagne pour l'élection présidentielle domine la vie politique américaine.

Dix candidats démocrates sont déjà sur les rangs, en janvier. L'ex-cosmonaute John Glenn (crédité de 20 % des intentions de vote démocrates, selon un sondage du 13 décembre), le pasteur noir Jesse Jackson (10 %), le très libéral George Mc Govern (8 %) et surtout l'ancien vice-président Walter Mondale (49 %) paraissent les mieux placés. Ce dernier, qui préconise le dialogue avec Moscou, l'augmentation des crédits à l'éducation et une politique protectionniste, bénéficie du soutien de l'appareil du parti, de l'AFL-CIO (14 millions de membres) et de la principale organisation féministe.

Côté républicain le président Reagan, qui a déjà autorisé la création de son comité électoral, pourrait annoncer sa candidature fin janvier. En cas de défection du président, son vice-président George Bush, le chef de la majorité au Sénat Howard Baker ou le président de la commission des finances Robert Dole pourraient être tentés de se présenter.