L'offensive générale contre les Frères musulmans est lancée fin juin 1980, à la suite d'un attentat manqué contre le chef de l'État. Aussitôt, plusieurs dizaines de suspects — parmi lesquels des officiers supérieurs — sont arrêtés. Une loi sanctionnant de la peine de mort l'appartenance à l'Association des Frères musulmans est adoptée par le Parlement le 7 juillet.

Répression

Les terroristes n'en poursuivent pas moins, pendant quelques mois, leurs activités ; assassinat d'un capitaine, d'un professeur d'université et attentat contre une station d'autobus, à Alep, en juillet ; assassinat, en décembre, d'un médecin chrétien, d'un uléma (chef religieux) progouvernemental et d'un responsable du Front national progressiste, qui regroupe aux côtés du Baas dirigeant d'autres partis ralliés.

Mais la répression féroce menée par les autorités décapite le mouvement contestataire : massacre de plusieurs centaines de détenus évadés du pénitencier de Palmyre ; ratissage systématique des quartiers de Homs par les unités spéciales du redoutable colonel Ali Haydar ; extermination des leaders intégristes, notamment des deux responsables militaires Frères musulmans, Nabil Hicham Joumbaz et Ahmed Zein el Abidine ; ralliement aux autorités de plusieurs centaines de militants islamiques terrorisés.

Rifaat el-Assad, frère du chef de l'État, qui supervise la répression, avait prévenu qu'il pourchasserait les terroristes « où qu'ils se trouvent ». À Paris, le 21 juillet 1980, Salah Bitar, membre fondateur du Baas et figure prestigieuse de l'opposition, est abattu par un tueur. À Aix-la-Chapelle, le 17 mars 1981, l'épouse de Issam el-Attar, chef historique des Frères musulmans de Syrie, s'effondre, mortellement atteinte par quatre balles à la tête.

Satellites

Pour étouffer la contestation intégriste qu'il soupçonne d'être soutenue par une coalition hostile d'États voisins (Jordanie, Iraq, Turquie) « alliés à l'impérialisme américain », le président Assad doit resserrer ses liens avec Moscou. Si le projet d'union avec la lointaine Libye, annoncé en septembre 1980, semble surtout destiné à s'assurer les bonnes grâces financières du colonel Kadhafi, le traité d'amitié syro-soviétique, conclu le 8 octobre à Moscou, permet la livraison d'armements soviétiques sophistiqués à Damas.

Débarrassé du fléau terroriste, conforté militairement, Hafez el-Assad peut à nouveau consacrer son énergie à subjuguer la Jordanie et le Liban, que certains Syriens n'ont jamais cessé de considérer comme des satellites, arrachés à la Grande Syrie par les puissances coloniales en 1919. Le moment paraît d'autant plus propice au président Assad que le rival iraqien est occupé à guerroyer avec l'Iran depuis septembre 1980.

Première cible de la Syrie, le royaume hachémite jordanien, accusé d'abriter des terroristes islamiques, est l'objet, en novembre 1980, d'une menace d'intervention armée destinée à ramener le roi Hussein à de meilleurs sentiments.

Prééminence

Quatre mois plus tard, c'est au tour du Liban d'être rappelé à l'ordre. Mettant à profit la période d'effacement relatif de la Syrie, les milices chrétiennes libanaises n'avaient cessé depuis deux ans de grignoter du terrain, allant jusqu'à s'implanter dans Zahlé, capitale de la plaine de la Békaa occupée par l'armée syrienne.

La construction par les miliciens d'une route stratégique reliant Zahlé au mont Liban met le feu aux poudres. Les événements se succèdent : pilonnage de Zahlé et des quartiers chrétiens de Beyrouth ; occupation par les Syriens des crêtes du mont Liban ; intervention de l'aviation israélienne, qui abat deux hélicoptères syriens ; installation, par les troupes de Damas, de missiles antiaériens Sam dans la Békaa ; menace d'intervention israélienne à grande échelle, pour détruire les Sam.

La Syrie a réussi à acculer à la défensive ses adversaires miliciens. Et, à la faveur d'une mission américaine de bons offices dirigée par l'émissaire du président Reagan, Philip Habib, qui cherche à prévenir l'explosion d'une cinquième guerre israélo-arabe, Damas engage un dialogue feutré avec Washington.