Cependant, malgré une agitation persistante dans plusieurs États — notamment en Assam, où l'afflux de travailleurs immigrés originaires du Népal et du Bangladesh cause de vives tensions (Journal de l'année 1979-80), et au Gujerat, où les étudiants contestent les droits spéciaux accordés aux intouchables pour faciliter leur promotion sociale —, la situation économique s'améliore. L'Inde, marquée, il est vrai, par des inégalités particulièrement voyantes, demeure un des rares pays du tiers monde qui progressent au lieu de s'appauvrir inexorablement d'année en année.

La production agricole atteint un niveau record en raison d'une bonne mousson, mais aussi d'un usage plus grand des engrais, dont la consommation a doublé en cinq ans. Le nouveau plan quinquennal (1980-1985) prévoit un effort spécial en faveur des 75 millions de paysans les plus démunis. Le Premier ministre peut présenter comme une adhésion à sa politique le rassemblement, par les soins du Congrès Indira, d'un million de paysans à New Delhi, le 16 février 1981.

Profitant de cette détente relative sur le front agricole, Indira Gandhi prend des mesures pour résorber le chômage, qui atteint 16 millions de personnes dans l'industrie. Revenant sur sa politique des années précédentes, l'Inde encourage les investissements étrangers.

Le choc pétrolier est particulièrement dur pour un pays dont 70 % des importations de brut provenaient d'Iraq et d'Iran avant le conflit entre ces deux fournisseurs. L'augmentation du prix du pétrole est une des causes d'une inflation supérieure à 20 % au cours de l'année budgétaire (1er juillet 1980-30 juin 1981). Pour en finir avec cette dépendance, le gouvernement décide d'accélérer la mise en exploitation des gisements nationaux, potentiellement importants mais qui ne fournissent que le tiers de la consommation indienne en 1981.

Tournant

Pour répondre à la totalité de la demande intérieure d'ici à 1985, il propose aux sociétés étrangères d'être associées non seulement à l'exploration, mais aussi à l'exploitation des gisements indiens. Trente d'entre elles s'empressent de répondre à cette offre, qui constitue un tournant important dans la politique économique d'un pays jusqu'alors peu enclin à s'ouvrir au capital étranger.

Ralenti au cours des dernières années, le programme nucléaire est relancé. Le directeur du centre nucléaire de Bombay assure que son pays ne procédera à aucune nouvelle expérimentation de bombe d'ici à la fin du siècle, mais qu'en revanche l'atome doit être de plus en plus utilisé comme source d'énergie. Il déclare que l'Inde pourrait se dispenser de demander l'autorisation de Washington pour retraiter le combustible de la centrale de Tarapur, de construction américaine.

L'administration Carter avait suscité le mécontentement de l'Inde par ses demandes de renégociations de certains contrats pour s'assurer un contrôle plus strict des matières nucléaires livrées. Apparemment inquiet des révélations des services de renseignements, selon lesquels New Delhi, malgré les déclarations officielles, se préparerait à faire exploser une nouvelle bombe atomique, le président Reagan décide, le 23 avril 1981, de mettre un terme à la fourniture à l'Inde d'uranium enrichi pour la centrale de Tarapur.

Satellite

L'Inde met sur orbite, le 18 juillet 1980, son propre satellite, Rohini (Étoile), à l'aide d'une fusée porteuse de fabrication nationale utilisant un carburant mis au point avec le concours technique de la France. L'Inde est le premier pays du tiers monde, si l'on exclut la Chine, à réussir un tel lancement. Le satellite, d'un poids de 36 kg, placé sur orbite basse, peut être éventuellement converti en missile balistique de portée moyenne. Le programme spatial indien a aussi de nombreuses applications civiles, en matière de météorologie, de télécommunications, de transmissions d'émissions de télévision à caractère éducatif.

Ce lancement de Rohini renforce le jeu de l'Inde en tant que grande puissance régionale en compétition avec la Chine. La volonté de puissance de New Delhi se traduit aussi dans le budget national, dont près du quart est consacré à la défense. Les industries indiennes d'armement servent à équiper une armée d'un million d'hommes, mais procurent aussi des devises, grâce à l'exportation de matériel militaire dans plusieurs pays du tiers monde. L'objectif est de vendre à l'étranger 20 % de la production de ces industries.

Non-alignée

Assez calmes sur le plan de la politique intérieure, les dix-huit premiers mois du nouveau mandat d'Indira Gandhi n'ont pas non plus été marqués par de grandes innovations dans le domaine diplomatique. Pays d'accueil de la conférence des ministres des Affaires étrangères des non-alignés, qui se réunit à New Delhi le 9 février 1981, l'Inde n'y invite aucune délégation du Cambodge, bien qu'elle ait reconnu, en juillet 1980, le gouvernement de Heng Samrin comme le seul légitime, ainsi que le souhaitait Moscou.