Celui-ci démissionne ainsi, en moins d'un an, de ses fonctions à la tête du parti (dont il reste un des vice-présidents), du gouvernement et de l'armée, dont Deng lui-même devient le chef suprême. Dans le même temps, la page de la reconversion économique semble plus difficile à tourner.

Libertés, société de consommation, modernisation rapide, etc. À peine esquissés, ces rêves échappent aux Chinois que le passage anarchique du communisme spartiate au socialo-capitalisme condamne, pour l'instant, à subir chômage, inflation, austérité, récession, criminalité et maintien de l'ordre.

Leur déception prive d'une partie de son prestige (donc de son autorité) celui qui avait encouragé ces illusions momentanément perdues, Deng Xiaoping : il reste l'homme fort, mais doit, à 77 ans, modérer son impatience d'évincer le président Hua Guofeng, qui reste à la fois numéro un du parti, du gouvernement et de l'armée, triple pouvoir exorbitant pour un seul homme qui, en pleine démaoïsation, garde son étiquette d'héritier choisi par Mao : « Avec toi à la barre, je suis tranquille », lui dit le Grand Timonier sur un chromo qui les montre tous deux, affiché à des millions d'exemplaires (Journal de l'année 1979-80).

Les deux poulains de Deng Xiaoping
À la tête du parti : Hu Yaobang

À 66 ans (ou peut-être 68), Hu Yaobang est un jeune vétéran de la Longue Marche : il a 19 ans lorsqu'il participe, avec, déjà, un passé de militant (entré à 15 ans à la Ligue des jeunesses communistes et à 18 ans au parti). Après quoi son destin semble coller à celui de Deng Xiaoping, fils de paysan comme lui, mais son aîné d'une dizaine d'années. Bientôt son ami et protecteur, car Hu est commissaire politique des armées, que Deng dirige déjà. En 1949, l'avènement de la République populaire le trouve membre du comité central de la Ligue de la jeunesse, dont il devient secrétaire en 1952, puis premier secrétaire en 1957, un an après être entré au comité central du parti dont son camarade de guerre Deng est l'un des leaders. Dix ans plus tard, la Révolution culturelle les condamne tous deux et les soumet à la rééducation. Il reparaît en 1972, presque en même temps que son protecteur, lui-même protégé du Premier ministre Zhou Enlai, retombe en disgrâce avec lui en 1976, revient dans son sillage en 1977 et ne cesse depuis d'escalader la hiérarchie du parti aux postes qui donnent la maîtrise de l'appareil : directeur adjoint de son école centrale, responsable de l'organisation du comité central, membre du bureau politique, chef de la propagande et, enfin, secrétaire général, donc numéro un en fait. Pour devenir aussi numéro un en titre, une ultime étape suffit : l'éviction du président Hua Guofeng.

À la tête du gouvernement : Zhao Ziyang

Comme Deng et Hu, Zhao Ziyang est un rescapé de la Révolution culturelle humilié par les gardes rouges et livré à la foule de Canton, capitale de la province dont il est alors l'un des hauts gestionnaires depuis plus de quinze ans. Pour le compte du parti communiste, auquel ce fils de riche propriétaire terrien du Honan adhère à 19 ans, déjà militant des Jeunesses communistes depuis l'âge de 13 ans. Un peu plus jeune que Hu Yaobang, moins en vue à Pékin sans doute, Zhao revient plus vite aux affaires : après un détour par la Mongolie dès 1971, il retourne à Canton effacer les mauvais souvenirs comme responsable provincial du parti, mais c'est comme redresseur de l'économie du Sichuan (province natale de Deng Xiaoping) qu'il prouve son efficacité, dont on parle jusqu'à Pékin, juste au moment où la Chine de l'après-maoïsme a le plus urgent besoin de technocrates. Alors son ascension jusqu'au bureau politique est presque aussi rapide que celle de Hu, car Deng veut lui donner les pouvoirs d'un apparatchik en même temps que ceux du gestionnaire suprême : en septembre 1980, devant l'Assemblée nationale populaire, Hua Guofeng cède lui-même son fauteuil de Premier ministre au souriant Zhao Ziyang, 62 ans, dont l'Empire aurait fait un mandarin habile.

Brèche

On peut aussi reprocher à Hua d'être responsable de l'édition du 5e volume des œuvres de Mao et surtout de la deuxième disgrâce de Deng en 1976. Celui-ci avance donc un premier pion : le 28 février 1980, le comité central élit 12 nouveaux membres du secrétariat du parti et deux membres du comité permanent du bureau politique, Zhao Ziyang et Hu Yaobang, élu d'autre part secrétaire général, poste clef que Mao lui-même a fait supprimer, car il concentre trop de pouvoirs en une seule main.