Le Premier ministre tente l'impossible pour ne pas démissionner. Mais, quelques jours plus tard, il doit s'avouer battu. Le gouvernement de la dernière chance comme l'avait baptisé A. Cools, président du PS, aura duré un an. Tout est à recommencer. Le gouvernement Martens aura été un gouvernement pour rien. La réforme des institutions devient un rocher de Sisyphe.

Négociations

Le roi confie, mi-avril, à Willy Claes, ministre des Affaires économiques (socialiste flamand), la mission d'informateur. Celui-ci prépare le terrain de telle sorte que Wilfried Martens lui-même puisse être de nouveau désigné comme formateur du futur gouvernement. Une négociation s'impose entre les trois familles politiques traditionnelles : sociaux-chrétiens, socialistes et libéraux, celles-ci divisées en Flamands et francophones. On tente de constituer une tripartite à six selon W. Martens, une sexpartite selon quelques journalistes malicieux.

Les libéraux, en position de force, veulent monnayer leur entrée dans un gouvernement. Ils veulent surtout des aménagements d'ordre fiscal, qui intéressent leur clientèle électorale : mesure d'encouragement des investissements industriels, révision de certains aspects de la péréquation cadastrale, notamment.

Les visées libérales ne peuvent s'accorder aux objectifs des socialistes, qui ne veulent pas s'associer à une politique où seuls les travailleurs payeraient l'assainissement financier. L'arrivée du PVV (libéraux flamands) durcit le front flamand face aux francophones moins soutenus par le PRL (libéraux francophones).

De plus, on peut se demander si les libéraux flamands ne seraient pas tentés par l'idée de remporter une belle victoire électorale au détriment des sociaux-chrétiens flamands. Ces derniers, comme les socialistes wallons, sont prêts à beaucoup de concessions pour éviter le retour aux urnes.

Un accord semble possible si le problème bruxellois est reporté, mais, début mai, on se trouve devant l'alternative : un accord entre les six ou des élections à la veille des vacances.

Hémorragie

Par suite de l'échec sur la régionalisation, les mesures d'assainissement financier préparées par le gouvernement n'ont pas pu être présentées devant le Parlement ; les dispositions de la loi-programme coûte à la population un déficit budgétaire supplémentaire de 40 milliards. Le déficit total passe donc de 82 milliards à plus de 120 milliards de FB. Au cours des trois premiers mois de 1980, le gouvernement doit emprunter plus de 55 milliards à l'étranger, alors que l'intention, réaffirmée de nombreuses fois par W. Martens, était de juguler cette hémorragie des finances publiques. Le drame de la Belgique, c'est de vivre une double crise. La crise économique générale, et la crise des rapports entre ses deux communautés. Et, tout au long des jeux politiques de la dernière décennie, l'embrouillamini de la crise institutionnelle a empêché les gouvernements successifs de s'atteler sérieusement à la crise tout court. Du moins à trouver des mesures qui auraient pu atténuer les effets de la crise sur le plan national.

Sans doute la Belgique ne fait-elle pas œuvre originale en matière de crise économique ; elle connaît les problèmes de tous ses voisins. Un chômage qui augmente (plus de 300 000 chômeurs), une Sécurité sociale au bord de la faillite, une charge fiscale très lourde, une inflation galopante et une balance commerciale déficitaire (+ 100 milliards) en 1979. Mais le gouvernement aurait pu essayer de renflouer un peu les caisses de l'État en prenant des mesures qui auraient fait supporter le poids de la crise d'une manière équitable par l'ensemble des citoyens. C'était ce que souhaitait le gouvernement Martens en présentant sa loi-programme : instauration d'une vignette pour l'accès aux autoroutes, quelques mesures pratiques d'économie dans le domaine de l'assurance maladie-invalidité, taxations des superbénéfices des entreprises et des avantages en nature qui s'ajoutent aux revenus de certains membres des professions libérales ou de certains cadres d'entreprises, etc.

Tollé

La seule réussite à mettre à l'actif du gouvernement, c'est la défense du franc contre les vagues de spéculation. La Banque nationale doit, en mars 1980, soutenir la monnaie nationale pour permettre au franc belge de rester dans le serpent européen.