Léopold Senghor est, le 25 février 1978, réélu pour cinq ans chef de l'État, avec 82,02 % des suffrages exprimés. Plus de 63 % du corps électoral s'est rendu aux urnes. Le président sortant affrontait Abdoulaye Wade, avocat, leader du Parti démocratique sénégalais (PDS), qui a recueilli un peu moins de 17,37 % des suffrages exprimés. Trois scrutins étaient confondus ; les électeurs désignaient en même temps le magistrat suprême, 100 députés de l'Assemblée nationale et une partie des conseillers municipaux renouvelables.

Démocratie

Cette triple consultation d'un million et demi d'électeurs prend les dimensions d'un événement pour le continent africain. En effet, non seulement les scrutins y sont rares, mais il est exceptionnel, pour une élection présidentielle, de voir s'affronter plusieurs candidats. Bien que la Cour suprême ait rejeté, le 13 mars, la requête en annulation de l'élection présidentielle présentée par Abdoulaye Wade et ait proclamé L. Senghor élu, on peut affirmer que cette triple consultation s'est déroulée dans le respect des règles démocratiques.

Malgré son goût prononcé pour le tripartisme, le président Senghor accepte, dès avril, le principe d'une révision constitutionnelle qui permettrait de porter à quatre le nombre de partis politiques autorisés. La création du Mouvement républicain sénégalais (MRS) de Me Boubacar Guaye est annoncée comme imminente. Cependant, le gouvernement exige un respect scrupuleux des formes légales.

Ainsi, le 7 janvier, la Cour suprême déclare irrecevable le recours pour excès de pouvoir qu'avaient formé les fondateurs du Rassemblement national démocratique (RND) de Cheikh Anta Diop — car la Constitution n'autorise que trois partis et ceux-ci existent déjà : Parti socialiste (gouvernemental), Parti africain de l'indépendance (PAI) et PDS. Faits plus significatifs encore : le 31 janvier, Daouda Sow, ministre de l'Information, peut annoncer publiquement qu'« il n'y a plus aucun prisonnier politique au Sénégal ». Fin décembre 1977, à deux mois des consultations électorales, PS et PDS ont tenu de la façon à la fois la plus libre et la plus régulière leurs congrès respectifs, l'un à Dakar, l'autre à Kaolack.

Reconduit dans ses fonctions de Premier ministre, Abdou Diouf forme, le 5 mars 1978, un nouveau cabinet. Il constitue une équipe ministérielle plus étoffée : 25 membres au total. Aucune personnalité de premier plan n'a été écartée et, parmi les nouveaux venus, apparaissent notamment deux femmes, nommées à l'Action sociale et à la Condition féminine.

Quelle que soit la liberté de manœuvre laissée à l'opposition, les contestataires ne désarment pas, dénonçant constamment ce qu'ils appellent les « limites de l'expérience libérale ».

Force africaine

Comme les présidents Houphouët-Boigny, de Côte-d'Ivoire, et Bongo, du Gabon, L. Senghor est l'un des principaux promoteurs de la force commune africaine d'intervention. À l'issue de la cinquième Conférence franco-africaine de Paris les 22 et 23 mai 1978, au cours de laquelle il a fermement défendu cette idée de force africaine, le président sénégalais a été chargé de garder le contact avec les chefs d'État africains pour les convaincre de l'utilité de cette initiative. Payant d'exemple, il envoie, avant même le départ des parachutistes français en opération à Kolwezi, des soldats sénégalais pour les relever.

Recevant à Dakar, le 7 avril, Andrew Young, ambassadeur américain à l'ONU, il a insisté auprès de son interlocuteur pour que Washington prenne très au sérieux l'activité déployée par Moscou et La Havane sur le continent africain.

Seul chef d'État africain à ne pas avoir reconnu l'Angola, parce que Luanda autorise une importante présence cubaine dans ce pays, L. Senghor ne cache pas qu'il est favorable aux interventions françaises en Afrique « lorsqu'elles répondent à une agression extérieure ».

La deuxième guerre du Shaba l'inquiète dans la mesure où il estime qu'à la faveur de cette nouvelle invasion du Zaïre l'Union soviétique et Cuba risquent de renforcer leur influence en Afrique centrale. Il accepte que les Jaguar français utilisent la presqu'île du Cap-Vert pour lancer des opérations d'intimidation contre les combattants du Polisario engagés en Mauritanie, parce qu'il considère que tout ce qui menace la sécurité du territoire mauritanien est dangereux pour l'équilibre de l'ensemble de l'Ouest africain.