Le nom de Leclerc a sans doute le tort d'être devenu un symbole, et ses centres ont aussi la réputation de pratiquer une politique particulièrement agressive.

Le CID-UNATI, qui s'est beaucoup assagi avec la venue à son secrétariat général d'Étienne Regnier, homme sérieux et posé, refait parler de lui en mai 1975. Gérard Nicoud n'est resté que quelques mois président de la très officielle CANAM (Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs indépendants). Bien vite il démissionne et réaffirme, à Bourgoin (Isère), son goût pour l'action en occupant pacifiquement les locaux de l'inspection des contributions directes durant près de deux heures. Il est arrêté le 14 mai avec trois militants locaux, pour être relâché trois jours plus tard. On ne peut pas toujours réussir à se transformer en martyr.

Transports

Le nouveau partage rail/route s'effectue avec lenteur

L'histoire aime décidément les comptes ronds. C'est au moment où nous entamons ce dernier quart de siècle que le secteur des transports enregistre une série de retournements de tendance et d'évolutions nouvelles, sous l'effet de trois secousses : crise de l'énergie, crise économique, crise d'une certaine civilisation urbaine fondée sur le transport individuel. Dans quelle mesure nous faut-il reconsidérer les habitudes et les principes avec lesquels nous avons vécu pendant les vingt-cinq dernières années ?

Marchandises

Le renchérissement du coût de l'énergie n'a pas eu en 1974 les conséquences qu'on pouvait en escompter ; le rail n'a pas repris le pas sur la route, puisque le tonnage kilométrique transporté par la SNCF a augmenté de 4 % et celui des routiers, de 15 % (légère diminution sur les voies d'eau). Quant au ralentissement économique depuis la fin 1974, c'est la SNCF également qu'il semble affectée particulièrement, comme cela a déjà été vérifié dans le passé. Au début de 1975, le trafic SNCF était en baisse de 17 %, le trafic routier de 12 %.

Les routiers ont pourtant mangé leur pain blanc. Le retournement de conjoncture a frappé durement une profession qui venait d'augmenter son trafic de près de 40 % en deux ans et qui acquiert à crédit la quasi-totalité de son matériel ; de nombreuses entreprises se sont trouvées en difficulté, et bien souvent la crise a agi seulement comme révélateur, mettant au jour de mauvaises gestions et des endettements particulièrement excessifs.

En outre, la compétitivité de la route ne cesse de se dégrader : en deux ans, ses tarifs ont augmenté trois fois plus que ceux du chemin de fer (gelés artificiellement, il est vrai, ce qui aura de fâcheuses répercussions sur les résultats financiers de la SNCF). Enfin, le secrétaire d'État aux Transports a annoncé, au printemps dernier, un renforcement du contrôle des conditions de travail, jugées anormales dans le transport routier.

Mais celui-ci est loin de perdre sa prédominance, due à son atout no 1 : la souplesse, qui lui permet notamment d'assurer dans tous les cas le service porte à porte et la constance dans la livraison, laquelle évite les coûteuses mises en stocks et reprises de stocks qui découlent du transport par fer. Cela continue de valoir à la route une faveur bien plus considérable que ce qu'on estime généralement. Une étude du Conseil supérieur des transports, soulignant la disparité des méthodes statistiques utilisées, accorde à la route une part bien supérieure aux estimations habituelles : 115 milliards de tonnes-kilomètres, contre 69 au rail et 9 aux voies d'eau.

Restent les problèmes de l'énergie. En gros, le rapport des consommations unitaires est de 2 pour la route contre 1 pour le rail. Mais une reprise du trafic en faveur du rail ne procurerait que de modestes économies de devises : 250 millions de francs annuellement pour une augmentation de trafic de 3 % par an qui profiterait exclusivement au chemin de fer.

Bref, plutôt qu'un renversement des positions acquises, c'est un partage de la croissance plus équilibré entre le rail et la route qu'il faut attendre des années à venir.

Personnes

Les signes de changement sont bien plus nets et plus nombreux dans les transports de voyageurs. Dans les compagnies aériennes, si le fret continue de progresser, on constate une régression du court-courrier, une stagnation ou un recul léger du moyen-courrier, un freinage de la croissance du long-courrier. Au lieu de l'accroissement régulier de 10 à 13 % l'an, les experts s'entendent pour accorder au transport aérien un taux de progression désormais bien plus modeste (de l'ordre de 5 ou 6 %), les voyageurs ayant tendance à se reporter (quand c'est possible) sur les transports terrestres.