Relations sociales

Trois axes : négociation, agitation, révolution

Des conflits durs et spontanés qui affaiblissent finalement patrons et syndicalistes ; des états-majors qui poursuivent cependant leur politique de négociation permanente ; un gouvernement qui fait preuve d'un pragmatisme paralysant en se contentant de demi-mesures ponctuelles. Telles sont les trois images contrastées des relations sociales, qui voient s'entrecroiser les phases classiques de l'électoralisme avec de nouveaux modes de luttes hérités de mai 1968, et dont le trait dominant semble bien être d'échapper de plus en plus aux organisations syndicales.

Élections

Apparemment la chronologie est simple et marquée par la coupure des élections législatives de mars. Jusqu'à cette date, du côté des pouvoirs publics, la tendance est à la facilité : les futurologues américains et soviétiques ne viennent-ils pas simultanément d'annoncer que la France deviendrait le premier pays d'Europe entre 1985 et 1990 ?

Pour le gouvernement, à la veille de la consultation électorale, il s'agit d'abord de vider des tiroirs de l'Administration les textes en souffrance, et de traduire en termes réglementaires des promesses déjà anciennes. Qu'il s'agisse de pensions alimentaires, de réforme du droit de licenciement, d'hébergement collectif, de répression de trafic de main-d'œuvre, de suppression des abattements de zone pour les prestations familiales, d'emploi des jeunes (prime de mobilité, autorisation d'exercer une activité exceptionnelle pour les adolescents de 14 et 15 ans pendant les congés scolaires) ou d'égalité des salaires féminins et masculins, des mesures sont soit prises directement par le gouvernement, soit soumises aux assemblées, qui différeront d'ailleurs certains votes jusqu'à la session de printemps.

Pour contrer le Programme commun, qui marque des points au travers de la cote des partis d'opposition dans les sondages, P. Messmer, malgré l'inflation qui se confirme, multiplie les promesses dans son discours de Provins (7 janvier), jugé comme « le record de la démagogie » par G. Séguy. Le Premier ministre ne promet-il pas en effet : la retraite à 60 ans, la semaine de cinq jours, la création de 2 000 crèches, la gratuité des fournitures et transports scolaires, 600 000 logements par an, l'Aérotrain et quatre millions de nouveaux abonnés au téléphone pour 1978 ?

Du côté des syndicats, le front est loin d'être uni ; quatre courants au moins se dessinent :
– la CGT est engagée au premier plan dans la bataille électorale pour faire triompher le Programme commun ;
– la CFDT insiste sur le socialisme autogestionnaire défendu sur le plan politique par le PSU, les trotskystes et certains socialistes du PS ;
– des organisations comme FO et la FEN, bien qu'ayant à leur tête des militants socialistes, refusent de se lier à un programme gouvernemental et de donner des directives pour les élections ;
– la CGC est loin de se désintéresser de la campagne électorale. Elle critique le programme de la gauche, mais ne manifeste guère de sympathie pour les gaullistes. Elle demande à ses adhérents de voter pour les meilleurs défenseurs des cadres (hiérarchie, fiscalité...).

Malgré leurs divergences stratégiques, toutes les organisations semblent cependant d'accord pour ne pas susciter de conflits trop aigus : c'est ainsi qu'en janvier l'accord d'entreprise de chez Renault reçoit l'aval de la CGT, tandis que dans le secteur public les problèmes de salaires ne soulèvent guère de discussions passionnées. Une seule exception : celle des contrôleurs de la navigation aérienne – presque tous affiliés à la CFTC –, qui, malgré la proximité des élections, cessent le travail pendant plus de deux semaines.

Immigrés

Dès le lendemain des élections le ton change. Tandis que la CGT proclame : « la lutte pour substituer à la politique du grand capital, celle du Programme commun, doit continuer et s'amplifier », la CFDT « appelle toutes ses organisations, syndicats, sections, à engager et à développer la lutte », et les instituteurs du SNI affirment : « notre combat continue ». Aussi, au moment où les lycéens manifestent contre les modifications du régime des sursis et la création du DEUG, certains se demandent si ce ne sera pas mai en avril.